Réalisées grâce à la collaboration du CHU Le Dantec de Dakar et de l’hôpital militaire de Ouakam, les opérations suscitent l’espoir chez les dialysés, pour qui la maladie est un fardeau physique autant que financier.

Il y a encore de l’émotion dans la voix du professeur El-Hadj Fary Ka. « Presque toute l’équipe a pleuré quand on a vu le regard de ces personnes qui ont retrouvé de l’espoir », raconte le chef du service de néphrologie de l’hôpital Aristide Le Dantec à Dakar.

La collaboration entre l’hôpital militaire de Ouakam et celui où le médecin exerce, tous deux appuyés par des spécialistes turcs, a permis de réaliser les trois premières transplantations rénales au Sénégal les 26 et 27 novembre. Des opérations inédites suivies avec la plus grande attention par les malades rénaux du pays. « Je suis en séance de dialyse et toutes nos discussions entre patients tournent autour de cette nouvelle », confirme, enthousiaste, Moustapha Gueye, le vice-président d’une association locale d’insuffisants rénaux dialysés à Touba.

Au Sénégal, l’insuffisance rénale touche environ 5 % de la population et constitue plus largement un fardeau financier souvent insoutenable pour les familles des patients qui doivent procéder à plusieurs séances de dialyse hebdomadaires. L’Etat du Sénégal, qui a initié la gratuité de ce traitement dans les structures publiques depuis 2012, subventionne la prise en charge et augmente au fil des années ses infrastructures, peine encore à répondre à une demande en constante augmentation.

Eviter tout risque de dévoiement

En 2021, 742 malades bénéficiaient de cette gratuité, mais 1 510 patients demeuraient sur liste d’attente, selon le ministère de la santé. Ces derniers se voient le plus souvent obligés de se tourner vers le secteur privé où les prix restent inaccessibles à une large partie de la population : 100 euros en moyenne par séance, soit l’équivalent du salaire minimum dans le pays.

La transplantation qui permet de mettre un terme aux séances de dialyse redonne ainsi de meilleures perspectives aux patients. Depuis 2015, date d’adoption de la loi permettant la transplantation rénale, la lenteur de la mise en application de cette pratique avait provoqué une vive impatience, y compris chez les professionnels de santé. Les autorités, elles, disent vouloir éviter tout risque de dévoiement du processus aussi bien pour les candidats à la transplantation que pour les hôpitaux.

L’aptitude des personnels soignants, la qualité du plateau technique et le niveau de coordination entre services médicaux sont passés au crible avant la délivrance de l’autorisation de transplanter, assure le professeur El-Hadj Fary Ka qui révèle qu’un troisième hôpital est aujourd’hui en attente d’agrément. Quant aux donneurs, nécessairement apparentés aux bénéficiaires, ils doivent au préalable faire valider leur consentement par le président d’un tribunal, assisté de médecins et de psychologues. Plusieurs couples se sont déjà portés volontaires et cinq d’entre eux sont en phase de test, relate le professeur, également à la tête du Conseil national du don et de la transplantation (CNDT), l’autorité de régulation de cette opération inédite au Sénégal.

Vers une équité dans la prise en charge

Le rêve de la transplantation rénale devenu réalité, c’est l’accessibilité de l’opération qui inquiète désormais. Les premiers bénéficiaires ont été pris en charge intégralement pour un coût estimé à 15 000 euros selon la docteure Youhanidou Wane Dia, directrice de l’hôpital militaire de Ouakam. Sans cette aide, la somme est jugée hors de portée des malades par Moustapha Gueye. D’autant que, « en un an, le dialysé perd déjà toutes ses économies surtout quand il se soigne dans le privé », explique-t-il.

Le professeur El-Hadj Fary Ka, conscient de cet écueil, indique que le coût est d’ailleurs en cours de réévaluation et soutient la nécessité d’une subvention par l’Etat « pour qu’il y ait une équité dans la prise en charge ». « C’est même dans l’intérêt de l’Etat de faciliter la transplantation rénale plutôt que de continuer à supporter le coût de la dialyse », renchérit Moustapha Gueye.

En 2020, en pleine polémique sur les subventions accordées au traitement de la maladie, Annette Seck Ndiaye, la directrice de la Pharmacie nationale d’approvisionnement, affirmait que le Sénégal dépensait plus de 7 000 euros par an pour chaque patient à l’étape ultime de l’insuffisance rénale, nécessitant une dialyse à vie.

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