Mali : la rupture de l'accord de paix avec les rebelles hypothèque-t-elle les perspectives de paix dans le pays ?« La fin de tout accord de paix est synonyme de reprise de la guerre » et accroît le risque de l’instabilité régionale, prévient un analyste

La récente décision du gouvernement militaire malien de se retirer d’un accord de paix clé avec les rebelles séparatistes du nord a soulevé des inquiétudes quant aux perspectives de paix dans le pays.

L’Accord de 2015 pour la paix et la réconciliation au Mali, conclu avec plusieurs groupes rebelles, principalement touaregs, a été soutenu par les Nations unies et signé dans la capitale algérienne, Alger.

L’accord d’Alger a longtemps été considéré comme le meilleur espoir de mettre fin à des années de violence dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.

Mais les choses ont changé depuis août 2020, lorsque les militaires ont renversé le gouvernement du président Ibrahim Boubacar Keita et pris le pouvoir.

En juillet 2022, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), formée par des Touaregs semi-nomades, a accusé le gouvernement de transition de s’être détourné de l’accord.

En août dernier, le nord du pays a connu une recrudescence des hostilités après huit ans d’accalmie, alors que l’armée malienne ordonnait à la mission de maintien de la paix de l’ONU, la MINUSMA, de quitter le territoire, elle qui jouait un rôle essentiel en tant que garante de l’accord d’Alger.

En annonçant la fin de l’accord en janvier, le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maiga, a déclaré que cela était dû au « changement de posture de certains groupes signataires », tout en accusant l’Algérie « d’actes hostiles ».

Le 5 février, le colonel Assimi Goïta, Président de la Transition de la République du Mali, a affirmé que l’accord était devenu une activité lucrative, ou un business « pour certains acteurs ». La CMA a estimé, quant à elle, que la décision du gouvernement de transition portant rupture de l’accord n’était pas surprenante.

L’Algérie a pour sa part « déploré » la décision du Mali, déclarant que les raisons invoquées par le pouvoir malien « ne correspondaient en rien à la vérité ou à la réalité « .

Selon l’analyste politique rwandais Ladislas Ngendahimana, cette décision met à mal les efforts de paix au Mali et dans l’ensemble de la région.

L’accord n’était peut-être pas parfait, mais il était préférable à l’absence d’accord, a-t-il estimé.

« La rupture d’un accord de paix revient en fait à engager une nouvelle guerre… La fin de tout accord de paix est synonyme de reprise de la guerre, ce qui est susceptible de favoriser la montée du terrorisme dans la région », a-t-il déclaré à Anadolu.

L’objectif principal de cet accord de paix était d’intégrer les rebelles dans l’armée nationale et de décentraliser la gouvernance dans ce pays d’environ 22 millions d’habitants.

Sa mise en œuvre a, cependant, suscité des inquiétudes et ce, dès le départ.

Le Centre Carter, fondé par l’ancien président américain Jimmy Carter et son épouse, a été désigné comme observateur indépendant de l’accord de paix de 2015.

Le Centre a prévenu en 2022 qu’il y avait une « impasse sans précédent » dans le processus de mise en œuvre, affirmant que le dialogue entre le gouvernement malien et la CMA était devenu de plus en plus difficile, depuis octobre 2021.

Selon Ngendahimana, les deux parties ne se fiaient pas entièrement aux termes de l’accord, perçu comme « l’instrument de la France pour perpétuer son influence dans la région du Sahel ».

** L’accord était voué à l’échec

Freddie David Egesa, analyste en sécurité basé à Kampala, capitale de l’Ouganda, estime pour sa part que l’accord était dès le départ voué à l’échec.

« Le Mali, comme plusieurs pays africains, à l’exception de ceux d’Afrique australe, est assiégé par des groupes rebelles soutenus par Al-Qaïda et leurs affiliés. C’est l’une des raisons pour lesquelles les accords de paix ne fonctionnent pas au Mali, au Soudan, en Somalie et dans d’autres pays », a-t-il déclaré à Anadolu.

Et de poursuivre : « Tous les pays d’Afrique devraient prendre conscience que, si elle n’est pas analysée et gérée au niveau continental, cette vague affectera tout le monde ».

Certains observateurs pressent les deux parties de déterminer les points d’achoppement et d’œuvrer à la relance de l’accord.

Après que ce dernier eut été rompu, Goïta a mis en place un « Comité de pilotage du dialogue inter-malien pour la paix et la réconciliation nationale », mais les rebelles touaregs ont rejeté cette nouvelle initiative, la qualifiant de « mise en scène » impliquant des groupes déjà acquis au gouvernement.

Ladislas Ngendahimana estime, pour sa part, qu’il convient d’accorder le bénéfice du doute à l’approche du pouvoir en place à Bamako.

Il a ajouté que les militaires avaient fait montre d’une « idéologie révolutionnaire », en mettant fin à tout ce qui était associé ou lié à l’ancienne puissance coloniale, la France.

« Le Mali expérimente d’autres options, elles fonctionneront peut-être. Accordons-leur du crédit et le bénéfice du doute. Si seulement les grandes puissances pouvaient soutenir une nouvelle approche et faire en sorte qu’elle fonctionne », a-t-il poursuivi.

Et d’ajouter : « Elles pourraient développer des moyens internes pour contenir la situation, avec l’aide d’alliés régionaux. Cela pourrait s’avérer positif. Le risque serait de mettre fin à l’accord … sans aucune alternative viable ».

L’analyste a, toutefois, affirmé que toutes les nations doivent comprendre que « la paix et la sécurité de l’Afrique ne viendront jamais de l’extérieur » du continent.

James Tasamba

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