Marine Le Pen (Rassemblement national) et Marion Maréchal (Reconquête !) qualifient l’arrivée de milliers migrants en Italie de « submersion ». Et s’attirent les critiques des experts.

MIGRATIONS – Une « submersion » migratoire pour Marine Le Pen et Marion Maréchal, une « invasion » pour Nadine Morano… Depuis l’arrivée de milliers d’exilés en quelques jours sur l’île italienne de Lampedusa, droite et extrême droite répètent à longueur d’interview et de discours leurs craintes de voir ces migrants venir sur le sol français.

Face à ce récent afflux – dont 8 500 personnes en 48 heures selon l’agence des Nations unies pour les migrations – qui met les capacités d’accueil et le régime de solidarité européenne sous tension, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est rendu en Italie et va s’exprimer ce mardi 19 septembre au 20 Heures de TF1 depuis Rome.

Mais plusieurs experts interrogés ces derniers jours dans les médias condamnent les propos des responsables politiques qui « partent en croisade comme à chacun de ces épisodes d’urgence migratoire en Europe », selon les mots des chercheuses Marie Bassi et Camille Schmoll dans une tribune publiée sur le site de Libération.

« Il n’y a pas de submersion migratoire »

Ces deux spécialistes des migrations reconnaissent que l’Europe assiste actuellement à « une augmentation importante des traversées », dont la tendance pourrait « se hisser au niveau des années 2016 et 2017 ». Toutefois, précise Camille Schmoll auprès de l’AFP, « il n’y a pas de submersion migratoire ».

Certes, l’Italie a accueilli près de 130 000 personnes depuis janvier, soit environ deux fois plus que l’an dernier sur la même période. Mais la situation n’a rien de comparable avec les 850 000 personnes arrivées en Grèce en 2015, fuyant pour la plupart la Syrie.

Et si l’Italie est géographiquement la porte d’entrée en Europe, elle est loin d’être le premier pays d’accueil effectif. Une partie des exilés fait l’objet d’une répartition vers d’autres pays, une autre poursuit son chemin clandestinement. Sur le million de demandes d’asile enregistrées en 2022 en Europe, l’Italie en a reçu 84 000, la France 156 000. Très loin de l’Allemagne et ses 244 000 demandes.

4 millions d’Ukrainiens versus 8 500 Africains

Camille Schmoll assure par ailleurs que l’« on parle de très peu de personnes, à l’échelle des grands pays d’accueil dans le monde ». Pour les seuls réfugiés, la Turquie vient en tête avec 3,6 millions d’exilés. Viennent ensuite l’Iran avec 3,4 millions, la Colombie avec 2,5 millions et l’Allemagne avec 2,1 millions, selon les chiffres du Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU.

Ce qui choque aussi les chercheurs, c’est le deux poids-deux mesures entre les millions d’Ukrainiens arrivés après l’invasion russe et les migrants venus d’Afrique. « En trois mois, l’an dernier, l’Europe a accueilli 4 millions d’Ukrainiens sans que personne ne crie à l’invasion migratoire. Là, on dit “submersion” pour quelques milliers de personnes, c’est absurde », a déploré auprès de l’AFP Pierre Henry, président de l’association France fraternités.

Même colère pour l’ancien candidat socialiste à la présidentielle Benoît Hamon, désormais directeur de l’ONG Singa, sur franceinfo : « Ce qui m’exaspère, c’est qu’on est capables de réaliser l’inclusion de 4 millions d’Ukrainiens et on ne peut pas le faire pour 10 000 personnes qui viennent d’Afrique du Nord ou d’Afrique subsaharienne. »

Les élections européennes en vue

En fait, estime Camille Schmoll auprès de l’AFP, la classe politique utilise la « rhétorique de la peur » à des fins de « propagande »« On se focalise sur Lampedusa parce que les images sont impressionnantes et parce qu’il y a un phénomène de “surconcentration”, d’hyper-visibilité lié au fait que l’île est exiguë et que le centre d’accueil est débordé », explique la géographe. Une situation récurrente depuis 2011, lorsque 60 000 personnes y avaient débarqué en quelques mois.

Et le contexte n’est pas étranger à l’utilisation de cette rhétorique. Le gouvernement français doit présenter dans les prochaines semaines son projet de loi immigration, qui cherche à concilier fermeté contre l’immigration illégale et intégration. Ce texte promet déjà des séances houleuses à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Sans oublier les élections européennes de 2024. Pour Camille Schmoll et Marie Bassi, s’insurger de la situation à Lampedusa et de ses conséquences pour la France est l’occasion pour les candidats « de doubler par la droite de potentiels concurrents », écrivent-elles dans Libération. Pas de régler les problèmes de la politique migratoire européenne.

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3 Commentaires

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