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Quatre questions pour comprendre le bras de fer autour de l’uranium entre Niamey et le Français Orano

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Orano, le géant français du nucléaire, a dénoncé avec fermeté, vendredi 20 juin, la nationalisation de sa filiale nigérienne Somaïr par les autorités militaires au pouvoir à Niamey. © Michel Euler/AP/SIPA

LU POUR VOUS

Depuis plusieurs semaines, le secteur sensible de l’uranium ouest-africain est secoué par une onde de choc venue du Niger. Au cœur de la tempête : la décision des autorités militaires de Niamey de nationaliser la Somaïr, une mine emblématique exploitée depuis plus de cinquante ans par le groupe français Orano, héritier d’Areva. Ce geste s’inscrit dans une escalade des tensions entre Niamey et Paris, déjà fragilisée par le coup d’État militaire de juillet 2023 et la détérioration rapide des relations bilatérales.

Que s’est-il passé à la Somaïr ?

La Société des mines de l’Aïr (Somaïr), située à Arlit dans le nord du Niger, est un pilier historique de l’économie nigérienne. Exploitée depuis 1971, elle produit environ 2 500 tonnes d’uranium par an, soit près de 10 % de la production mondiale. Orano y détient 63,4 % des parts, tandis que l’État nigérien en possède 36,6 %. Ce minerai constitue près de 70 % des exportations minières du pays, qui tire environ 10 % de son PIB de cette ressource.

La junte qui a pris le pouvoir en renversant le président Bazoum accuse le groupe français d’avoir dévoyé ce partenariat, en s’appropriant une part disproportionnée des profits et en freinant les investissements locaux. Selon un communiqué officiel nigérien, « Orano a stoppé la production unilatéralement, évacué ses expatriés et coupé les accès aux systèmes informatiques de la mine, mettant en péril l’économie locale ». La décision de nationaliser la Somaïr est ainsi présentée comme une « mesure de souveraineté nécessaire ».

Pourquoi maintenant ?

Le contexte est explosif depuis le coup d’État de juillet 2023, qui a porté au pouvoir une junte militaire fermement opposée à l’influence française dans la région. « Cette nationalisation s’inscrit dans une volonté claire de rupture avec l’ancien système de dépendance », analyse dans The New York Times Emmanuel Dupont, expert des ressources africaines. La rupture avec Orano est symptomatique du glissement géopolitique en Afrique de l’Ouest.

Selon Reuters, la suspension des activités par Orano a entraîné une chute de 15 % des revenus miniers du Niger au premier trimestre 2025, fragilisant davantage une économie déjà en difficulté, avec une inflation estimée à 12 %. Par ailleurs, la région d’Arlit, où la mine est implantée, dépend majoritairement des revenus générés par l’uranium.

Que dit Orano ?

Orano dénonce une « nationalisation illégale et injustifiée », et a annoncé son intention de porter l’affaire devant les tribunaux internationaux. Le groupe réclame une compensation à hauteur de 350 millions d’euros pour pertes d’exploitation et dommages matériels. « Ce type d’action unilatérale nuit à la sécurité des investissements en Afrique », avertit Jean-Marc Leroux, porte-parole d’Orano (Reuters).

Un point sensible est le stock d’uranium valorisé à environ 250 millions d’euros, que Niamey réclame comme faisant partie intégrante de la nationalisation. Cette réserve stratégique alimente les débats sur la maîtrise des ressources naturelles dans un contexte où la demande mondiale d’uranium, notamment pour la production d’énergie nucléaire, est en forte hausse.

Le Niger affiche sa volonté de s’aligner sur des modèles de gestion plus souverains, à l’instar de ses voisins maliens et burkinabés. Pour le journaliste nigérien Abdoul Karim Issoufou, dans Le Sahel : « Le gouvernement actuel entend briser les chaînes de la dépendance, mais doit assurer un cadre stable pour attirer de nouveaux partenaires, sans quoi les retombées économiques seront compromises. »

Reste à savoir vers quels marchés le Niger se tournera désormais pour écouler son uranium. La Russie, la Chine, mais aussi des pays du Golfe, tels que l’Iran, sont évoqués comme de possibles nouveaux partenaires. Ces choix auront un impact majeur sur l’équilibre géopolitique régional.

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