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L’Affaire Molare : Une Tragédie, des Silences, et un Pays en Question

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La Côte d’Ivoire s’est réveillée, une fois de plus, avec un goût amer de drame et de confusion. Un accident mortel impliquant une Vanderhall Venice, tricycle motorisé de fabrication américaine, conduit par l’artiste et entrepreneur Molare, a secoué l’opinion. Une vie fauchée. Des images insoutenables. Des interrogations multiples. Et, en toile de fond, une société qui peine à regarder ces événements avec lucidité, au-delà de l’émotion ou de la célébrité.

Il ne s’agit pas ici de désigner un coupable ou d’instruire un procès médiatique, mais de poser une question simple : que dit cette affaire de notre pays, de ses institutions, de son rapport à la responsabilité, à la justice, à la vie humaine ? Car au-delà du fait divers, c’est une fois encore le réflexe d’impunité, la fragilité du système judiciaire, et le silence sélectif d’une partie de l’élite qui frappent les esprits.

La voiture en cause, spectaculaire et peu commune, circulait en pleine ville, de jour comme de nuit. Molare lui-même était au volant, comme l’a immédiatement confirmé la réalité des faits : blessé au bras, présent sur les lieux, aucun doute n’a jamais plané sur sa responsabilité directe dans la conduite du véhicule. Ce qui frappe néanmoins, ce n’est pas l’identité du conducteur, mais ce que la suite laisse présager : un climat où l’on pense, spontanément, que tout sera arrangé. Comme si, dans notre pays, une personne pouvait mourir, et que la suite des événements était déjà écrite — silence, compromis discret, et oubli programmé.

Dans une société où la notoriété peut parfois tenir lieu d’armure, la justice se doit pourtant d’être indépendante, rapide, transparente. Pas pour se venger d’une figure populaire, mais pour rétablir un fait : une personne est morte. Et cette mort mérite qu’on en traite avec rigueur, dignité, et sérieux. Les familles en deuil ne peuvent être abandonnées à la douleur et à la rumeur.

Mais cette affaire ne pose pas seulement un problème judiciaire. Elle renvoie aussi à notre conception de la sécurité routière et de la citoyenneté. Combien d’accidents évitables chaque semaine sur nos routes ? Combien de vitesses excessives, de permis douteux, de comportements irresponsables, parfois en toute impunité ? Nos villes sont saturées de véhicules puissants conduits comme dans un clip musical, pendant que la signalisation est absente, les piétons livrés à eux-mêmes, et les contrôles de police plus préoccupés par la transaction immédiate que par la prévention durable.

Au fond, c’est notre rapport à la règle et à la responsabilité qui est mis à nu. Ce drame aurait pu arriver à n’importe qui, mais ce qui choque, c’est qu’il arrive dans un pays où l’émotion précède toujours la réforme, où la célébrité suspend souvent le devoir de rendre des comptes, et où l’État, dans ces circonstances, tarde trop souvent à rappeler qu’il est — qu’il doit être — au-dessus de tous et de toutes.

Ce que nous espérons d’un pays comme le nôtre, ce n’est pas l’infaillibilité, mais la cohérence. Un pays capable de faire respecter la loi, quel que soit le nom ou le statut social. Un pays où la justice ne se cache pas derrière le silence, et où les dispositifs de sécurité protègent les citoyens, qu’ils soient chauffeurs de taxi, piétons de quartier, ou figures médiatiques.

À défaut, c’est l’indifférence qui s’installe. Une société où l’on compatit quelques heures sur les réseaux sociaux, puis on passe à autre chose. Une société où les morts anonymes sur les routes ne pèsent plus rien, et où l’élite continue de circuler au-dessus des lois, ou à côté d’elles.

Il est encore temps d’agir. D’enquêter sérieusement. De communiquer avec clarté. De traiter les familles endeuillées avec humanité. Et surtout, de transformer chaque drame en sursaut national. Pas pour punir au hasard, mais pour redonner du sens à une justice qui, trop souvent, arrive après le chagrin, quand elle arrive tout court.

Le Mentor

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