À Yopougon, Adama Bictogo joue son va-tout

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Pour Adama Bictogo, les élections législatives du 27 décembre à Yopougon ont valeur de test existentiel. Une défaite pourrait lui faire perdre la présidence de l’Assemblée nationale — quatrième poste dans l’ordre protocolaire — et fragiliser son ancrage interne dans un parti où la compétition pour la succession d’Alassane Ouattara, incertaine à l’horizon 2030, s’intensifie.

« Je ne peux pas me permettre de ne pas gagner », confie-t-il à RFI lors d’un meeting sur la place Ficgayo, lundi 22 décembre 2025. À la veille du scrutin, certains candidats cherchent la lumière, mais Adama Bictogo engage bien plus que son image : il met en jeu son avenir politique et son influence au sommet de l’État.

Un enjeu double

Après avoir remporté les municipales, le président de l’Assemblée nationale se présente désormais comme le candidat désigné par le RHDP dans cette commune populaire d’Abidjan. Pour lui, l’enjeu est double : conserver son siège de député à la tête de l’Assemblée nationale, et donc sa place de quatrième personnalité de l’État dans l’ordre protocolaire, derrière le président de la République, le Premier ministre et le président du Sénat.

« S’il chute à Yopougon, il chute tout court », confie un cadre du RHDP.

Face au fondateur de l’entreprise Snedai, l’opposition se présente unie mais fragile. Dia Houphouët Augustin conduit une liste commune PDCI–FPI–ADCI. Lors des municipales, il avait déjà tenté une alliance avec Michel Gbagbo, qui avait échoué, et le boycott du PPA-CI risque de compliquer la mobilisation dans ce « Yopougon de Gbagbo ». Sur le terrain électoral, Bictogo conserve donc un avantage stratégique important.

Gagner ou disparaître

Pourtant, le vrai défi pour Bictogo n’est pas seulement externe. La principale menace vient de l’intérieur du parti. Au RHDP, une bataille de succession s’esquisse autour de l’horizon 2030, opposant Bictogo à Téné Birahima Ouattara, frère du président et ministre de la Défense. Candidat à Abobo, Téné Birahima est perçu par de nombreux cadres comme l’« héritier naturel » du RHDP. Certains le voient déjà futur président de l’Assemblée nationale, voire davantage.

Les tensions entre Bictogo et Kandia Camara, présidente du Sénat sont aussi connues. Désaccords protocolaires, rivalités d’influence, cérémonies concurrentes : en avril à Brazzaville, puis en novembre au siège du parti à Cocody Rue Lepic, les signaux se sont accumulés. Deux lignes, deux clans, une même majorité.

Dans ce contexte, la victoire à Yopougon devient vitale pour Adama Bictogo. Gagner, c’est rester au perchoir et imposer un rapport de force au sommet du RHDP. Perdre, c’est « libérer le tabouret », selon sa propre expression, et laisser la voie libre à ses adversaires internes.

Le 27 décembre, le scrutin de Yopougon dira donc bien plus qu’un résultat électoral. Il dira si Adama Bictogo est encore un homme central du pouvoir… ou déjà un homme du passé.

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