Par Alexis Dieth, Docteur en philosophie de l’Université de Poitiers, est chercheur à Vienne (Autriche).

Pour pérenniser les acquis de cette décennie de progrès multidimensionnel en Côte d’Ivoire, il importe de mutualiser les compétences des professionnels de la politique, de la connaissance, du divertissement, de tous les travailleurs des secteurs primaire, secondaire et tertiaire de la société à travers une politique de participation.

Il faut redonner aux professionnels de la connaissance le rôle qui leur revient dans l’œuvre de construction nationale dans notre pays. Ils doivent plus exactement conquérir leur place en redorant leur blason.

Dans les années 1990, ils s’allièrent à certains professionnels de la politique pour détricoter la République et substituer au principe de citoyenneté, un principe de nationalité autochtone en contradiction complète avec le tissu sociologique, la Constitution et l’histoire de notre pays.
Ils dévoyèrent la démocratie pluraliste naissante en manipulant l’ethnicité et en corrompant le parti politique dont ils firent l’instrument de leur volonté prévaricatrice de pouvoir.

Lorsqu’en l’an 2000, à travers la confusion des repères et une brutalité symbolique, les professionnels de la connaissance réunis dans un syndicat d’enseignants constitué en parti politique conquirent l’Etat, ils réécrivirent l’histoire du pays et installèrent un pouvoir d’exclusion et de ségrégation fondé sur une interprétation dévoyée du marxisme et sur une instrumentalisation des procédures du droit pour légaliser la domination. Ils cédèrent aux 7 péchés capitaux, à l’orgueil, à la colère, à l’envie, à la luxure, à la paresse, à la gourmandise, à l’avarice. (Cf « Le deal Laurent Gbagbo-Mamadou Koulibaly :autopsie d’une faillite et d’un naufrage, 1ère et 2 ième partie », Octobre 2015).
En Côte d’Ivoire « le pouvoir des Professeurs et des enseignants » a laissé dans l’opinion publique l’amertume du désenchantement et de la sidération.
Ces serviteurs du savoir qui avaient promis au peuple l’imperium du droit, de la loi et de la connaissance, l’intégrité civique et morale dans un service sacerdotal du bien commun, la défense de l’intérêt général, le progrès et l’émancipation individuelle et collective, le respect de la dignité humaine, trahirent de manière éhontée leur promesse.
Ils dévoyèrent emblématiquement le droit. Ils l’utilisèrent pour légaliser et légitimer la capture patrimonialiste de l’Etat, pour abriter leur désir d’impunité, pour protéger et défendre leurs intérêts particuliers.
Ils installèrent, dès 2002, un pouvoir brutal qui se spécialisa dans le viol massif des droits de l’Homme.
Ils piétinèrent la connaissance, salirent l’Université et l’École ivoiriennes en transformant la majeure partie des élèves et des étudiants en milices du pouvoir et en exécuteurs de ses basses œuvres.
Ils légitimèrent la violence et la brutalité, banalisèrent le crime. Ils travaillèrent à décérébrer le peuple au moyen d’une propagande débilitante et installèrent dans le pays l’imperium du crétinisme et de la médiocrité.

Contraints de céder le pouvoir au terme de la guerre civile qu’ils avaient provoquée en refusant, par idolâtrie du pouvoir, la déclaration de la volonté générale des urnes en décembre, ils rasèrent le reste des infrastructures économiques du pays dans une politique de la terre brûlée.
Retiré dans une opposition non constructive depuis avril 2011 après l’échec des manœuvres de guérilla et d’insurrection qu’il engagea contre le gouvernement du pays avant de « déposer » les armes, « l’ex-régime des Professeurs et des enseignants » du FPI, se fait remarquer par le populisme (cf.« Le boycott électoral version politique de la grève syndicale au FPI, cedea.net, Octobre 2016), par une stratégie antidémocratique de stigmatisation, de diffamation, de dénigrement où la désinformation le dispute aux invectives et aux provocations bellicistes.
Le blason des professionnels de la connaissance est donc gravement sali en Côte d’Ivoire.
C’est donc à juste titre que « les professionnels de la connaissance » suscitent de la méfiance de la part du gouvernement aussi bien que de l’opinion publique qui préfèrent s’en remettre aux « professionnels du divertissement » pour reconstruire un sentiment d’appartenance commune, entretenir l’idée d’unité nationale et étayer avec le sentiment partagé de la joie populaire, le travail de reconstruction du présent et de l’avenir.

Il importe néanmoins de redonner à l’activité de cognition ses titres de noblesse et la place qui lui revient dans l’œuvre de reconstruction de la cité.
Aucune œuvre de reconstruction nationale ne peut s’inscrire dans la durée sans être étayée par un travail de réflexivité qui permet à la société d’accéder à la conscience de soi de son engagement politique, de concevoir lucidement ses intérêts à court terme et les intérêts à long terme de l’Etat, de se représenter la légitimité du projet sociétal qui exige de chacun des citoyens un investissement personnel.
Dès lors, après sa faillite dans notre pays, le rétablissement de la connaissance et du savoir dans son rôle fonctionnel relativement à ce programme se pose termes de catharsis et d’exorcisme.
Les professionnels de la connaissance doivent s’exorciser de leurs abdications à travers une catharsis d’autocritique. Il faut exorciser l’espace public ivoirien.
Il faut l’irradier de raison, de réflexion, de cognition, d’opinions raisonnées et d’argumentation pour chasser les forces ténébreuses qui ont essaimé depuis la descente de la Côte d’Ivoire dans les ténèbres de l’ethno-nationalisme en 1993 par la faute de l’abdication volontaire des professionnels du savoir.
La mobilisation des masses doit nécessairement être soutenue par l’activité de cognition et de réflexion grâce à laquelle s’instaure une éthique de responsabilité, d’amour et de générosité seule à même de repousser et de rejeter les égrégores de la déraison, du ressentiment, de la haine, de la violence et de la mort qui continuent d’habiter notre espace public.

 

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