L’État ivoirien a, dans sa réponse aux recommandations contenues dans le rapport final du 4ᵉ Examen Périodique Universel du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, rejeté deux points clés portant sur la liberté de manifestation et le dialogue politique, à l’approche de la présidentielle de 2025.
L’information émane d’une déclaration signé conjointement par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, parmi lesquelles la LIDHO, le MIDH, l’OIDH et l’AFJCI, en prélude à leur conférence de presse prévue jeudi 8 mai prochain.
37 recommandations rejetées dont deux majeures
Ce document, transmis à Linfodrome, révèle que le 24 mars 2025, lors de la session d’adoption du rapport final du 4ᵉ Examen Périodique Universel (EPU) de la Côte d’Ivoire, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a acté les réponses officielles de l’État ivoirien aux 273 recommandations formulées par les États membres de l’ONU. Si 226 de ces recommandations ont été acceptées, 10 partiellement retenues, 37 ont été rejetées, parmi lesquelles deux recommandations majeures portant sur la liberté de manifestation et le dialogue politique.
Liberté de manifestation
Concernant la liberté de réunion et de manifestation pacifique, le document révèle que l’État ivoirien a rejeté la recommandation 135.89, émise par le Canada. Ladite recommandation, selon nos sources, invitait la Côte d’Ivoire à garantir pleinement la liberté de réunion et de manifestation pacifique. « L’État ivoirien l’a rejetée, estimant que les libertés publiques ne sont soumises à aucune restriction contraire à la Constitution », indique le document.
Le rapport, signé conjointement par l’OIDH, le MIDH, la LIDHO et l’AFJCI, souligne pourtant que les faits sur le terrain traduisent une réalité plus contrastée.
La persistance des restrictions sur les libertés de manifestation et de rassemblement public, souvent justifiées par des préoccupations sécuritaires et d’ordre public, contribue à la réduction de l’espace démocratique, en particulier dans ce contexte post-électoral où les tensions restent vives
« La persistance des restrictions sur les libertés de manifestation et de rassemblement public, souvent justifiées par des préoccupations sécuritaires et d’ordre public, contribue à la réduction de l’espace démocratique, en particulier dans ce contexte post-électoral où les tensions restent vives. Tandis que les citoyens cherchent à exprimer leurs préoccupations et aspirations, la répression de manifestations pacifiques engendre un climat de méfiance et de frustration, compromettant ainsi les efforts de réconciliation nationale. Cette situation soulève des questions fondamentales sur le respect des droits humains, essentiels non seulement à la vitalité de la démocratie, mais aussi à la stabilité du pays », note la déclaration conjointe.
Des cas récents, selon le document, illustrent cette tendance inquiétante : le 2 avril 2025, des députés du PDCI-RDA ont été empêchés par la police de se rendre au tribunal d’Abidjan. Le 5 mars, des enseignants membres d’intersyndicales ont été interpellés alors qu’ils se dirigeaient vers une assemblée générale. En septembre 2024, 25 membres de la plateforme AGIP ont été arrêtés à Abidjan, dont 16 condamnés à six mois de prison ferme pour avoir tenté de manifester pacifiquement.
« Ces incidents traduisent une réduction de l’espace civique et une intensification de la répression, qui fragilisent le climat politique en cette année électorale. Ils remettent en cause la sincérité des engagements en matière de droits humains et de gouvernance démocratique », déplore la déclaration des organisations de la société civile.
Dialogue politique
Autre point sensible : la recommandation 135.90, formulée par la France, exhortait l’État ivoirien à instaurer un dialogue inclusif avec tous les acteurs politiques et de la société civile. Cette recommandation a également été rejetée, par l’État ivoirien, la jugeant « sans objet ».
Pourtant, déplorent les signataires, le contexte électoral reste marqué par une polarisation accrue et de nombreuses contestations sur la crédibilité du processus électoral, notamment concernant le fichier électoral et la composition de la Commission électorale indépendante (CEI). « L’absence de dialogue franc entre le gouvernement et l’opposition sur des sujets structurants comme l’identité nationale ou la transparence des élections menace la stabilité politique à moyen terme », previennent-ils. Pour rappel, la présidentielle en Côte d’Ivoire est prévue pour le 25 octobre prochain, soit dans moins de 6 mois.
Jean Kelly KOUASSI