
Quelques heures à peine après avoir formé son gouvernement, Sébastien Lecornu a remis sa démission à Emmanuel Macron.

Déflagration politique : quatorze heures à peine après avoir formé son gouvernement, Sébastien Lecornu a remis lundi sa démission à Emmanuel Macron, sous le feu des critiques et fragilisé de l’intérieur par la fronde des Républicains de Bruno Retailleau.
Le locataire de Matignon, nommé le 9 septembre et qui devait tenir son premier Conseil des ministres à la tête du gouvernement à 16 h 00, s’est rendu aux premières heures de la matinée à l’Élysée pour remettre sa démission au président, qui l’a acceptée, selon un communiqué de la présidence.
« Les conditions n’étaient plus remplies » pour rester premier ministre, a-t-il déclaré un peu plus tard dans la cour de Matignon, regrettant « les appétits partisans » qui ont conduit à sa démission, une allusion claire à Bruno Retailleau, qui dimanche soir a précipité sa chute en remettant en cause la participation des Républicains au gouvernement à peine celui-ci formé.
Les partis politiques « continuent d’adopter une posture comme s’ils avaient tous la majorité absolue », a déploré Sébastien Lecornu, reconnaissant que son offre de renoncer au 49,3 pour redonner la main au Parlement n’avait « pas permis ce choc de se dire qu’on peut faire différemment ».
Il s’agit du gouvernement le plus bref de la Ve République, fondée en 1958. Sa chute plonge la France dans une crise politique sans précédent depuis des décennies.
Calme
La balle est dans le camp d’Emmanuel Macron. Va-t-il dissoudre l’Assemblée nationale, comme le demande l’extrême droite, démissionner comme le voudrait la gauche radicale ou nommer un nouveau premier ministre, qui serait le quatrième depuis juin 2024 et le sixième depuis sa réélection en mai 2022 ?
« Emmanuel Macron seul face à la crise », titrait lundi le quotidien français Le Monde.
« Nous devons garder notre calme et penser aux Français », a déclaré lundi Michel Barnier, qui avait lui-même été renversé par l’Assemblée nationale au bout de trois mois à Matignon.
L’équation politique, qui se double d’une situation financière désastreuse avec une dette de 3 400 milliards d’euros (115,6 % du PIB), paraît insoluble.
Outre M. Barnier, François Bayrou (décembre 2024-septembre 2025) s’y est également heurté, renversé après avoir présenté un projet de budget de 44 milliards d’euros d’économies.
Ce nouveau séisme politique a fait plonger l’indice boursier du CAC 40 (-1,70 % à 5 h 00 heure du Québec) et bondir le taux d’intérêt français à dix ans, augmentant mécaniquement l’écart avec le taux allemand, qui fait référence. L’euro a chuté dans la foulée de l’annonce de la démission, perdant 0,63 % face au dollar, à 1,1688 dollar pour un euro.
La coalition de Sébastien Lecornu a commencé à se fissurer à peine plus d’une heure après l’officialisation de son gouvernement, issu de plus de trois semaines de tractations.
Le patron du parti de droite Les Républicains (LR) Bruno Retailleau, qui venait d’être reconduit au ministère de l’Intérieur, a dénoncé dans un message sur X une composition qui « ne reflète pas la rupture promise » et convoqué une réunion des instances de son parti.
En cause, selon plusieurs sources : le retour surprise aux Armées de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie (2017-2024), symbole pour la droite du dérapage budgétaire des dernières années de gouvernements macronistes ; ou encore la large part réservée au parti macroniste Renaissance dans la répartition du gouvernement (10 ministres, contre 4 à LR).
Dissolution « absolument nécessaire »
La cheffe de file de l’extrême droite française Marine Le Pen a jugé lundi « absolument nécessaire » une nouvelle dissolution de l’Assemblée, estimant également qu’une démission d’Emmanuel Macron était la « seule décision sage ».
Le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a appelé de son côté à ce que l’Assemblée nationale examine « immédiatement » une motion de destitution contre Emmanuel Macron, signée par les députés de son parti La France Insoumise, mais aussi par des députés des groupes écologistes et communistes.
Le chef de l’État, omniprésent sur la scène internationale mais qui voit sa ligne politique sombrer dans le chaos sur la scène intérieure, est régulièrement désigné comme le responsable de l’instabilité qui ronge la France depuis juin 2024.
Depuis sa décision de dissoudre l’Assemblée dans la foulée des élections européennes, l’hémicycle est fracturé en trois blocs (alliance de gauche / macronistes et centristes / extrême droite). Aucun ne dispose de la majorité absolue.