La Confédération des États du Sahel(AES) accuse le Nigeria d’avoir violé son espace aérien après l’atterrissage forcé d’un C-130 à Bobo-Dioulasso, sur fond d’intervention militaire régionale au Bénin.
La Confédération des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a dénoncé, lundi 8 décembre 2025, une « violation de l’espace aérien confédéral » après l’atterrissage forcé d’un avion militaire nigérian à Bobo-Dioulasso, dans l’ouest du Burkina Faso. L’incident survient dans un contexte régional déjà tendu, alors que le Nigeria mène depuis dimanche une opération militaire au Bénin pour aider le président Patrice Talon à déjouer une tentative de coup d’État.
Un acte « inamical »
Selon un communiqué diffusé dans la soirée du lundi par la présidence malienne, qui assure la direction tournante de l’alliance, l’appareil de type C-130 appartenant à l’armée de l’air nigériane se trouvait « en situation d’urgence en vol » lorsqu’il a été contraint de se poser sur l’aéroport de Bobo-Dioulasso. L’avion transportait deux membres d’équipage et neuf passagers, tous militaires.
Une enquête ouverte par les autorités burkinabè a conclu que l’aéronef ne disposait d’aucune autorisation de survol du territoire. « L’absence d’autorisation a été clairement établie », précise le communiqué, qui évoque une « violation grave » de la souveraineté du Burkina Faso et, par extension, de l’espace aérien de l’AES.
Le président malien Assimi Goïta, agissant en qualité de président de la Confédération, a condamné « avec la plus grande fermeté » cet acte jugé « inamical », estimant qu’il contrevient au droit international et aux règles encadrant l’aviation civile et militaire.
« Les dispositions sont prises pour garantir la sécurité de l’espace aérien confédéral, la souveraineté et l’intégrité territoriale de ses États membres », affirme le texte.
La Confédération indique également que, sur instruction des chefs d’État, les défenses aériennes et anti-aériennes ont été placées en « alerte maximale ». Elles ont reçu l’ordre de neutraliser « tout aéronef qui violerait l’espace confédéral », conformément à une décision prise par le collège des chefs d’État le 22 décembre 2024.
Un climat régional électrique
L’atterrissage forcé du C-130 survient alors que le Nigeria est engagé, depuis la veille, dans une opération militaire au Bénin pour aider à contrer une tentative de coup d’État contre le président Patrice Talon. Dimanche matin, un groupe de militaires était apparu à la télévision publique pour annoncer sa destitution, avant d’être rapidement neutralisé par l’armée béninoise avec le soutien de la CEDEAO.
Le président nigérian Bola Tinubu, qui dirige également l’organisation régionale, a confirmé que des troupes terrestres et des moyens aériens, dont des avions de chasse, avaient été déployés « en urgence » à la demande du gouvernement béninois. La force en attente de la CEDEAO – comprenant des contingents du Nigeria, de la Côte d’Ivoire, du Ghana et de la Sierra Leone – a été mobilisée pour « restaurer l’ordre constitutionnel », a indiqué l’organisation.
À Cotonou, un retour progressif au calme a été constaté lundi, selon plusieurs sources sécuritaires. Les soldats impliqués dans la mutinerie ont été arrêtés et deux hauts gradés brièvement retenus en otage ont été libérés. L’ONU a condamné la tentative de putsch, appelant au respect des institutions démocratiques.
Tensions anciennes
L’incident aérien risque d’aggraver davantage les tensions entre l’AES et le Nigeria, acteur central de la CEDEAO et soutien direct du gouvernement béninois. Depuis la création de la Confédération en septembre 2023, les relations entre les juntes militaires du Sahel et Abuja sont devenues particulièrement tendues, notamment autour des sanctions régionales, de la coopération sécuritaire et des alignements diplomatiques.
Le Nigeria est l’un des principaux promoteurs du maintien des pressions contre les régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger, qui se sont retirés de la CEDEAO début 2024. L’AES accuse régulièrement la CEDEAO, et en particulier Abuja, d’ingérence dans ses affaires internes.
La situation est d’autant plus sensible que l’AES a profondément réorienté ses alliances, en se rapprochant de la Russie après le départ de l’armée française du Sahel.
Selon des informations publiées par Jeune Afrique, le président français Emmanuel Macron a suivi en temps réel l’évolution de la tentative de coup d’État au Bénin. Il se serait entretenu dimanche avec Patrice Talon, avant de plaider auprès du président nigérian Bola Tinubu pour une intervention rapide. Paris aurait par ailleurs prépositionné des éléments de forces spéciales à Cotonou, selon ces mêmes sources.
L’Élysée n’a pour l’heure pas confirmé ces informations.
Ni Abuja ni la CEDEAO n’avaient réagi publiquement lundi soir à l’annonce de l’AES concernant l’atterrissage forcé du C-130. Il n’était pas non plus établi si l’avion nigérian était directement lié aux opérations en cours au Bénin ou s’il effectuait une mission distincte.
Le sort de l’équipage et des passagers n’a pas été précisé, pas plus que la durée de l’immobilisation de l’appareil sur le sol burkinabè.

















































