Joe Biden veut poser des « questions difficiles » au gouvernement israélien, et faire enfin entrer l’aide humanitaire à Gaza.

Qu’espère Joe Biden en se rendant au Moyen-Orient, qui n’a jamais été aussi proche de l’embrasement? Le président américain est parti mardi pour Israël, mais a dû renoncer à se rendre aussi en Jordanie, alors que le tir contre un hôpital de Gaza a fait monter encore la tension.

Le démocrate de 80 ans, en annonçant lundi son déplacement, faisait déjà un pari immense : celui d’arriver à se présenter à la fois comme le garant de la sécurité d’Israël dans sa guerre contre le Hamas, comme le meilleur espoir des civils palestiniens et comme un rempart face aux risques d’escalade régionale.

Mais cette quête d’équilibre, qui reposait sur une étape à Tel-Aviv suivie d’un passage en Jordanie, a volé en éclats avant même son départ.

Le président des États-Unis, Joe Biden, monte les marches d'Air Force One.
Le président des États-Unis, Joe Biden, monte les marches d’Air Force One à la base aérienne d’Andrews (Maryland), le mardi 17 octobre 2023, pour se rendre en Israël. PHOTO : ASSOCIATED PRESS / SUSAN WALSH

La Jordanie a annulé le sommet auquel il devait participer, avec le roi Abdallah II, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le dirigeant de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.

Un panache de fumée s'élève à la suite d'une frappe aérienne israélienne, dans la ville de Gaza, le samedi 7 octobre 2023.

Joe Biden, qui s’est embarqué mardi vers 21 h 40 (GMT) dans Air Force One, a indiqué qu’il reportait sa visite à Amman.

John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, a assuré qu’il s’était agi d’une décision mutuelle, et indiqué que Joe Biden appellerait le dirigeant palestinien et le président égyptien dans l’avion du retour, mercredi soir.

Le président américain s’est dit, dans un communiqué, indigné et profondément attristé suite à ce qu’il a appelé une explosion. Il ne s’est pas prononcé sur l’origine du tir qui a provoqué la mort d’au moins 500 personnes, alors que le Hamas l’impute à Israël, et que l’armée israélienne accuse le Djihad islamique.

Joe Biden a fait part mardi de ses plus profondes condoléances pour les vies innocentes perdues dans l’explosion d’un hôpital à Gaza et souhaité un prompt rétablissement aux blessés.

Des enfants dans une ambulance.
Au moins 500 personnes ont perdu la vie dans la frappe israélienne qui a visé l’hôpital Ahli Arab dans la ville de Gaza mardi, selon le ministère de la Santé du Hamas, au pouvoir dans le territoire palestinien. PHOTO : REUTERS

Il s’est également entretenu à ce sujet avec le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et le roi Abdallah II de Jordanie, a fait savoir la Maison-Blanche.

Dans cette atmosphère tendue à l’excès, alors que des manifestations ont lieu dans plusieurs pays arabes, le Hezbollah libanais lance un appel à une journée de colère mercredi.

Poser les questions difficiles et faire entrer l’aide humanitaire à Gaza

Joe Biden a pourtant maintenu son voyage, sous très haute sécurité, parce qu’il veut poser des questions difficiles à Israël, selon John Kirby.

Avant une potentielle offensive terrestre, le président américain veut se faire expliquer la stratégie et les objectifs militaires du pays lors d’une rencontre avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Son autre grand objectif est de faire arriver de l’aide étrangère à Gaza, cible de bombardements israéliens incessants et déjà en proie à une crise humanitaire.

Plusieurs camions stationnés les uns derrière les autres.
Plusieurs camions qui transportent de l’aide humanitaire destinée aux Palestiniens attendent en Égypte l’ouverture du poste frontalier de Rafah pour entrer dans la bande de Gaza. PHOTO : REUTERS

Il faut que l’assistance arrive le plus vite possible pour répondre aux besoins désespérés, a dit John Kirby, en se disant optimiste.

Joe Biden doit aussi rencontrer des familles d’otages détenus par le Hamas. Les États-Unis, qui ont perdu au moins 31 ressortissants suite à la sanglante attaque du groupe islamiste palestinien le 7 octobre, comptent un petit nombre d’otages détenteurs d’un passeport américain.

Le président, dont le programme détaillé n’a pas été révélé pour protéger ses déplacements, doit enfin prononcer un discours à Tel-Aviv.

Risques d’embrasement régional

Certes, Joe Biden, sans doute le chef d’État le mieux gardé du monde, s’était déjà rendu en février à Kiev, dans un pays en guerre. Mais il y avait été accueilli en grand ami, alors qu’il arrivera au Proche-Orient avec le risque de nourrir l’embrasement du conflit plutôt que de l’éviter.

Joe Biden, pour qui la sécurité d’Israël est une priorité stratégique autant qu’une affaire personnelle, a jugé que le pays avait le devoir de se défendre.

Quel message peut-il transmettre en se montrant aux côtés du premier ministre Benyamin Nétanyahou, alors que de nombreux pays arabes accusent Israël de la frappe sur l’hôpital de Gaza?

Selon la presse américaine, certains de ses conseillers s’inquiètent du message qu’envoie ce voyage, alors que les bombardements incessants d’Israël sur la bande de Gaza suscitent la colère des pays arabes, dans les chancelleries comme dans la rue.

Manifestants et forces de sécurité libanaises s'affrontent le 18 octobre 2023 devant l'ambassade américaine lors d'une manifestation de solidarité avec la population de Gaza à Awkar, à l'est de Beyrouth, après qu'une frappe contre un hôpital de la bande de Gaza.
Manifestants et forces de sécurité libanaises s’affrontent le 18 octobre 2023 devant l’ambassade américaine lors d’une manifestation de solidarité avec la population de Gaza à Awkar, à l’est de Beyrouth, après qu’une frappe contre un hôpital de la bande de Gaza. PHOTO : GETTY IMAGES / JOSEPH EID

Comment, après une telle rencontre, porter le message que les civils de l’enclave peuvent compter sur lui pour soulager la catastrophe qu’ils traversent?

Ces frappes ont fait plus de 3000 morts, en majorité des civils, dont des centaines d’enfants, selon les autorités locales. Plus de 1400 personnes ont été tuées en Israël depuis le début de la guerre, la plupart des civils tandis que le Hamas a enlevé 199 personnes, selon l’armée israélienne.

Joe Biden prend le risque, aussi, de rentrer les mains vides, sans promesse du gouvernement israélien de laisser entrer de l’aide humanitaire à Gaza, sans réponses pour les familles des ressortissants américains retenus en otage par le Hamas, dont le nombre exact n’est pas connu.

Les États-Unis ont par ailleurs échoué, jusqu’ici, à convaincre l’Égypte d’au moins entrouvrir sa frontière pour laisser entrer les civils palestiniens qui fuient les bombardements incessants.

En se rendant dans la région, le chef de la plus puissante armée du monde teste aussi sa capacité de dissuasion face au Hezbollah, et donc, face à Téhéran.

Les États-Unis, qui sont déjà le principal soutien de l’Ukraine et qui veulent conserver des ressources stratégiques pour tenir tête à la Chine, ne veulent pas que le conflit s’étende.

Nous sommes les États-Unis d’Amérique, pour l’amour de Dieu, la nation la plus puissante […] de l’histoire du monde. Nous pouvons nous occuper de l’Ukraine et d’Israël à la fois, avait toutefois affirmé le président dimanche sur CBS.

Il va réclamer au Congrès une enveloppe commune de 100 milliards de dollars américains pour l’Ukraine, Israël, Taïwan et la crise migratoire à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, a indiqué une source proche à l’AFP.

Mais Joe Biden n’est pas entièrement maître de la situation : tout déploiement supplémentaire majeur d’aide à Israël doit être validé par le Congrès américain. Or ce dernier est actuellement paralysé par la droite dure qui tente d’imposer l’un des siens à la tête de la Chambre des représentants.

Le démocrate, en campagne pour un second mandat, ne peut se permettre le moindre signe de faiblesse, alors que l’Amérique compte 30 morts depuis l’attaque du Hamas et redoute une flambée de haine contre les juifs et les musulmans dans un pays déjà fortement divisé.

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