
Le 28 juin 2025, Fatima Koné est devenue Miss Côte d’Ivoire. Mais son triomphe a vite viré au cauchemar : en quelques heures, elle a commencé à subir une vague de cyber harcèlement massif — insultes, moqueries, détournements d’images, comme plusieurs reines de beauté africaines ces dernières années.
Ce phénomène, loin d’être anecdotique, reflète la brutalité des réseaux sociaux.
En Côte d’Ivoire, selon des statistiques officielles, 1 personne sur 4 est victime de cyber harcèlement.
»Tu seras déchue de ton titre de Miss Côte d’Ivoire, on va t’enlever, tu n’es pas notre miss. Tu n’es pas la plus belle femme de Côte d’Ivoire. Quand toi tu te regardes tu peux représenter la Côte d’Ivoire ? »
Depuis son couronnement en tant que Miss Côte d’Ivoire 2025, Fatima Koné, 23 ans et étudiante en e-commerce, fait face à un défi inattendu : le cyber harcèlement.
Alors que cette jeune mannequin originaire de Bouaké dans le centre du pays, tente de célébrer une victoire issue d’un rêve d’enfance, elle subit des attaques virulentes sur les réseaux sociaux.
« Ses dauphines sont plus belles qu’elle. « Avec ses oreilles, non, elle ne peut pas avoir gagné ». « Qu’est-ce qui est arrivé au Comité d’organisation de Miss Côte d’Ivoire? » « Il faut annuler cette élection ».
Certains internautes basés en Côte d’Ivoire, dans d’autres pays d’Afrique ou encore en France, n’ont pas hésité à publier des vidéos très virulentes à son égard.
Face à cette vague de critiques, Fatima Koné réagit avec humilité : « Il y a eu des critiques positives négatives, plus dures, explique la nouvelle reine de beauté ivoirienne. Mais je les ai accueillies comme je pouvais. Parce que je reste un être humain. Ça fait mal. Mais je me dis qu’avec le temps, ils finiront par m’accepter. »
Un appel à la bienveillance

Cette année, le Comité Miss Côte d’Ivoire (COMICI) a instauré de nouvelles règles pour l’élection, notamment l’interdiction des perruques, mèches et tissages, un engagement pour une beauté naturelle que Fatima veut incarner fièrement selon ses propos.
Nous l’avons rencontrée lors d’un événement officiel début juillet à Abidjan. La jeune femme, souriante, élancée, sans faux-cils, répond à ce cyber harcèlement en restant sereine :
« Je demande à tous de me donner une chance, de m’accepter comme je suis. Parce qu’avec votre soutien, je sais que je peux faire de grandes choses ».
Ses dauphines Diane Gouano et Marie-Axelle Gbogou, ont également publié des messages, pour selon elles « apaiser les tensions ».
Mais les critiques continuent sur les réseaux sociaux en Côte d’Ivoire et sont largement relayées par les internautes.
De son côté, bien décidée à transformer cette épreuve en force, Fatima souligne aussi l’importance du soutien qu’elle reçoit, notamment via les commentaires positifs et les encouragements :
« Il y a de l’amour qui me porte. C’est ce qui m’aide à avancer chaque jour. À ceux qui ne me reconnaissent pas encore comme leur Miss, je dis : prenez votre temps. Mais regardez. Regardez ce que je vais accomplir. Vous verrez que je me bats chaque jour pour être à la hauteur de cette couronne. »
Des hashtags ont été lancés pour soutenir la nouvelle Miss Côte d’Ivoire sur les réseaux sociaux et de nombreuses personnalités se sont levées pour dire ‘Non au cyber harcèlement’. Thierry Coffie, SG du COMICI: « Nous sommes fiers de Fatima. Cette année, le choix du public avait une plus grande importance que d’habitude. Elle a été élue par un jury et aussi par le public. Elle est légitime et nous sommes confiants qu’elle ira très loin. La simplicité fait peur, nous le comprenons. »
Un cas loin d’être isolé
Le cas de Fatima n’est malheureusement pas isolé. Les Miss incarnent la beauté, la grâce, l’intelligence et l’espoir d’un pays. Mais dès qu’elles sont élues, certaines Miss africaines deviennent aussi des cibles. Derrière les sourires et les paillettes, une autre réalité : celle que vit Fatima, le cyber harcèlement, souvent violent, parfois destructeur.
En 2022, Ndèye Fatima Dione, Miss Sénégal, avait elle aussi été la cible d’attaques violentes. D’autres reines de beauté, au Nigéria, en Afrique du Sud, ou au Mali, ont vécu le même rejet brutal.
« En Afrique, on attend d’une Miss qu’elle incarne un idéal impossible. Dès qu’elle ne correspond pas à une norme figée, elle devient la cible », selon le Dr Aïssata Diop, sociologue et spécialiste des genres.
En Afrique francophone, la législation contre le cyber harcèlement reste faible. Dans de nombreux pays, les plaintes sont rares, et les sanctions, quasi inexistantes. Les Miss, souvent livrées à elles-mêmes, se retrouvent sans recours juridique solide.
En route vers Miss Univers ou Miss Monde

Mannequin depuis 2022, Fatima Koné prend regulièrement part à des défilés en Côte d’Ivoire mais aussi au Mali. Cela l’a beaucoup aidé pour son assurance et sa démarche lors de la finale du 28 juin.
« Quand on se retrouve à deux finalistes, on se dit : soit ça passe, soit ça passe. Nous étions 30 candidates… et être là, à un pas de la couronne, c’est énorme. Quand on t’appelle, tu te dis : « Ça y est, je l’ai fait. «
À quelques mois de sa participation à Miss Monde ou Miss Univers, Fatima Koné se prépare à représenter son pays avec courage et détermination — au-delà des projecteurs et des jugements, elle veut avant tout incarner la résilience.
« En tant que Miss Côte d’Ivoire, je vais participer à Miss Monde ou Miss Univers. Et je vous fais une promesse : je donnerai tout pour ramener cette couronne ici, en Côte d’Ivoire. Si Dieu le veut, nous aurons une Miss Monde ou une Miss Univers ivoirienne. »
Olivia Yace, Miss Côte d’Ivoire 2021, avait terminé deuxième dauphine à l’élection de Miss World, la meilleure performance de l’histoire de la Côte d’ivoire à ce concours de beauté.

Comment faire face au cyberharcèlement ?
En 2024, en Côte d’Ivoire, 15 % des jeunes déclarent avoir été victimes d’agressions en ligne.
Dr Kouakou, psychologue à Abidjan, nous explique que « Le cyber harcèlement peut avoir des conséquences graves sur la santé mentale. Il est urgent d’éduquer et de sensibiliser à un usage responsable des plateformes numériques. »
Les réseaux sociaux, bien qu’ils soient des espaces de communication et de divertissement, deviennent parfois des lieux de moqueries, d’humiliations et d’agressions virtuelles.
Face à ce phénomène grandissant, il est important de savoir comment réagir.
Voici 5 conseils essentiels si vous êtes victime de cyber harcèlement :
Parlez-en à une personne de confiance
Ne restez pas seul·e face à la situation. Parlez-en à un parent, un enseignant, un ami ou toute personne en qui vous avez confiance. Leur soutien peut faire toute la différence.
Bloquez et signalez les harceleurs
Les plateformes sociales disposent d’outils pour bloquer et signaler les utilisateurs malveillants. Utilisez-les dès que vous ressentez un malaise ou êtes la cible d’agressions.
Conservez les preuves
Prenez des captures d’écran des messages, commentaires ou publications offensantes. Ces preuves pourront être utiles pour agir, notamment sur le plan légal.
Informez les autorités compétentes
Si le harcèlement devient grave ou persistant, n’hésitez pas à porter plainte auprès de la police ou de la gendarmerie. Le cyberharcèlement est un délit puni par la loi.
Soutenez les autres victimes
Si vous êtes témoin d’une situation de cyberharcèlement, ne restez pas silencieux. Soutenez la victime, encouragez-la à en parler, et si possible, signalez les contenus abusifs.