En Côte d’Ivoire, la campagne 2025 de commercialisation de la noix de cajou connaît un tournant majeur. Alors que les principaux acheteurs asiatiques ont suspendu leurs achats, à la suite des tensions commerciales avec les USA, le segment de la transformation locale enregistre une progression sans précédent.
En Côte d’Ivoire, les transformateurs locaux d’anacarde se sont déjà procuré 650 000 tonnes de noix auprès des producteurs depuis le début de la campagne de 2025 en janvier dernier, signant un record inédit d’approvisionnement dans la filière. C’est ce qu’a révélé Mamadou Berté, directeur général du Conseil du coton et de l’anacarde (CCA), qui se confiait à Reuters mercredi 7 mai.
Le volume annoncé représente plus du double du stock acheté par les industriels pour leurs opérations l’année dernière (300 000 tonnes) et dépasse déjà de 62 % l’objectif initial d’approvisionnement de 400 000 tonnes fixé en début de campagne. Avec cette dynamique, la Côte d’Ivoire peut transformer environ 50 % de sa production de noix de cajou escomptée cette année contre des prévisions initiales de seulement 34,7 %. Deux principaux facteurs peuvent expliquer une telle montée en puissance du segment de la transformation.
Un renforcement de la lutte contre la contrebande.
Les autorités ivoiriennes ont récemment revu à la hausse les prévisions de récoltes à 1,3 million de tonnes, soit un stock en hausse de 13 % par rapport aux prévisions initiales de 1,15 million de tonnes. Il signe en outre une progression de 38 % par rapport à l’année précédente (944 667 tonnes).
Selon le CCA, cette performance s’explique en grande partie par un meilleur contrôle de la contrebande vers les pays voisins, notamment le Ghana et le Burkina Faso, ce qui a permis d’accroître la disponibilité de la matière première sur le marché local.
Il convient de noter que depuis le début de la campagne agricole de 2024/2025, l’opération « Verrou 322 » est déployée par les autorités ivoiriennes à cet effet. Cette initiative, qui se veut une véritable offensive contre la contrebande de produits clés pour l’économie comme le cacao et l’anacarde, implique notamment les Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire ainsi que les corps paramilitaires.
Les droits de douane américains ont refroidi l’intérêt des acheteurs asiatiques
D’un autre côté, l’annonce par les États-Unis d’une augmentation des droits de douane sur les produits transformés en Inde (+26 %) et au Vietnam (+46 %) a profondément perturbé les flux commerciaux mondiaux, bien que le pays de l’Oncle Sam ait temporairement suspendu les nouveaux tarifs pour une période de 90 jours, tout en maintenant une taxe générale de 10 % sur les importations.
Ces deux pays asiatiques, qui importent à eux seuls généralement près de 90 % des noix brutes exportées par la Côte d’Ivoire, ont brutalement ralenti, voire suspendu leurs achats. Principalement destinées à l’exportation vers les États-Unis après transformation, ces noix ivoiriennes deviennent désormais trop coûteuses à valoriser pour les entreprises asiatiques.
D’après le CCA, les acheteurs vietnamiens par exemple n’ont acquis cette année que 200 000 tonnes de noix de cajou brutes, contre 700 000 à 800 000 tonnes l’an dernier, ce qui permet d’améliorer la disponibilité de la matière première sur le marché local. Le régulateur souligne également que ce désengagement soudain a contribué à la chute du prix bord champ, qui est passé de 425 FCFA à entre 200 et 300 FCFA le kilogramme, trois mois après le début de la campagne de commercialisation, au grand dam des producteurs, mais pour le bonheur des industriels.
Globalement, si ce retournement conjoncturel représente une opportunité stratégique pour l’industrialisation de la filière cajou en Côte d’Ivoire, premier producteur africain, il pose aussi la question de la résilience du secteur face à sa dépendance aux fluctuations internationales. Car, comme le souligne le CCA, avec la baisse des prix bord champ de la matière première, les revenus des petits exploitants agricoles devraient en pâtir.
Stéphanas Assocle