L’Hysacam n’assure plus le ramassage des ordures à Douala. Fin 2022, l’Etat devait 11,6 millions d’euros à la société privée, délégataire de ce service public.

« Regardez dans quel état la ville se trouve. Elle me donne la nausée. C’est comme si on était des porcs et qu’on vivait dans une porcherie », soupire Brigitte Nguetcheu, une braiseuse de maïs installée à Bependa, un quartier populaire de Douala, la capitale économique du Cameroun. Face à elle, un immense tas d’ordures couvre une partie de la chaussée et du trottoir que se partagent piétons, motos et voitures. Des nuées de mouches s’en échappent. L’odeur est fétide. « Une poubelle à ciel ouvert », se désole la commerçante.

Depuis plusieurs mois, les agents de l’Hygiène et de la salubrité du Cameroun (Hysacam), la société privée chargée de la collecte et traitement des ordures ménagères dans dix-sept villes du pays, n’assurent plus le ramassage à Douala. Résultat : des quartiers périphériques au centre-ville, des immondices jonchent les rues et les routes, s’accumulent dans les marchés, les devantures de bars et de restaurants, obstruent les ponts et les caniveaux alors que la saison des pluies, qui court d’août à novembre, débute et ajoute au chaos.

« La mort rôde autour de nous »

Les habitants de la capitale économique en parlent comme d’une géographie de la souillure qui se serait superposée au tissu urbain. « Montagne d’ordures », « lac de déchets », « île de saleté »… La population se plaint de « ces odeurs qui étouffent, envahissent l’espace et empêchent de respirer et de vivre », « des moustiques qui ont triplé de volume », « de l’eau de couleur noire et verte qui suinte des ordures jusqu’aux maisons et puits d’eau ». « La situation est intenable, jusqu’à quand allons-nous souffrir ainsi ?, s’interroge Kontele Goldefroy, habitant du quartier Makeppe. La mort rôde autour de nous. »

Hysacam, créée en 1969 par le groupe français Grandjouan et nationalisée en 1995, n’en est pas à sa première défaillance. L’entreprise a connu, ces dernières années, des grèves à répétition pour mauvaises conditions de travail et arriérés de salaires non versés, ainsi qu’un problème chronique de manque de camions, à cause des pannes ou du manque de carburant. « C’est un problème financier. De façon structurelle, l’entreprise fait face à des retards de paiement de son principal client qui est l’Etat », justifie Gyna Angoun, responsable de la communication externe à Hysacam.

Selon la loi camerounaise, la gestion des ordures ménagères incombe à l’Etat et aux municipalités qui peuvent décider via des appels d’offres de confier la propreté de certaines cités à des sociétés comme Hysacam. « C’est une activité qui nécessite vraiment de très gros coûts d’exploitation, l’entretien du parc automobile, les ressources humaines. Si les paiements ne sont pas garantis, nous avons une incidence sur la qualité du service », poursuit Gyna Angoun, qui précise que fin 2022 le gouvernement devait environ 7,6 milliards de francs CFA (11,6 millions d’euros) à l’entreprise.

Des milliers de cas de choléra

La crise, si elle n’est pas jugulée à temps, risque d’avoir de graves conséquences sanitaires, met en garde Hans Mossi Makembe, coordonnateur de la lutte contre les épidémies dans la région du Littoral, dont Douala est le chef-lieu. « Dans notre région, nous vivons avec le choléra de façon endémique », rappelle le médecin, qui craint une hausse des maladies diarrhéiques. Depuis le début de l’épidémie de choléra en 2021, le Cameroun a enregistré plus de 19 000 cas, pour plus de 460 décès d’après le ministère de la santé publique. La région du Littoral, arrive en tête des contagions, avec plus de 7 500 cas.

Car, même en temps normal, Hysacam peine à assurer le ramassage des déchets dans les villes où elle opère. « Le taux d’enlèvement d’ordures à Douala et Yaoundé, la capitale, oscille autour de 45 % », confie Didier Yimkoua, membre du mouvement Ecologie en marche, soulignant que les déchets plastiques ou électroniques, cancérogènes, une fois engloutis dans la terre ou déversés dans les cours d’eau, contaminent les sols et les espèces halieutiques.

L’environnementaliste prend pour exemple la ferraille et les batteries à plomb, introuvables dans les bacs à ordures car elles sont achetées et acheminées à l’international pour le recyclage. « Nous avons proposé l’achat à 50 francs CFA le kilo d’ordures ménagères. Si on greffe la valeur marchande, je suis convaincu qu’on pourra débarrasser nos villes des ordures », assure-t-il. En attendant la matérialisation de ce projet, Hysacam assure travailler avec le gouvernement à la reprise régulière de la collecte des déchets.

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