Interview exclusive de M. Assalé Tiémoko, député-maire de Tiassalé peut boire du petit lait. Son mouvement politique, Aujourd’hui, Demain la Côte d’ivoire {ADCI) a fait le plein d’adhérents et de curieux pour la cérémonie d’investiture de la coordination de la diaspora au 13 rue Auguste Perret à Villejuif, en banlieue proche parisienne, ce samedi 24 mai 2025.
M.Assalé Tiémoko, votre engagement dans la moralisation de la vie publique, la gouvernance par l’exemple est connue. Pourtant, vous vous êtes rendu complice de la convention signée par l’Assemblée nationale avec la compagnie Corsair et l’hôpital américain de Neuilly, en France, octroyant aux députés ainsi qu’à leurs familles des facilités de voyages et des soins à des tarifs préférentiels. Que dites-vous face à un tel scandale ?
Je n’étais pas informé de l’existence d’une telle convention- me semble-t-il- signée en 2019 par le Sénat puis étendu à d’autres structures comme l’assemblée nationale, le conseil économique social et environnemental, et à l’uvicoci ( NDLR : Union des villes et communes de côte d’ivoire). J’ai été élu maire en 2018, et député en 2021. Sans que je sache un traître mot d’une telle disposition. Quand éclate l’affaire sur les réseaux sociaux et à la télévision, j’approche le président de l’Uvicoci dont je suis désormais membre et vice-président pour en savoir davantage. Qui me confirme l’existence d’une telle convention qu’il dit avoir hérité de son prédécesseur. Evidemment, j’ai marqué mon désaccord sur le volet soins à des tarifs préférentiels pour les élus et leurs familles en France. Toutefois, en ce qui concerne les tarifs préférentiels sur les billets d’avion je marque mon accord, si l’objectif est de réduire les charges de l’Etat et des institutions en rapport avec les voyages officiels. Ce que nos populations ne comprennent pas et moi avec elles, c’est le mauvais exemple que nous donnons dans un contexte difficile ; J’insiste, Je n’ai jamais bénéficié des avantages d’une telle convention ni en qualité de député ni en qualité de maire, encore moins pour un quelconque membre de ma famille.
Pour avoir été journaliste d’investigation, un empêcheur de tourner en rond, est-ce suffisant au point de créer un mouvement politique qui -à terme- pourrait se muer en parti politique, dont l’ambition est de conquérir le pouvoir d’Etat ?
Ce n’est pas en tirant prétexte de mon statut de journaliste d’investigation que j’ai décidé de construire un mouvement politique. Je participe à l’animation du jeu politique depuis 2016 où j’ai été candidat malheureux la première fois. Par la suite, j’ai été élu trois fois de suite aux élections locales. J’ai beaucoup appris en tant que gestionnaire de collectivité et député de la nation. Je connais les réalités de mon pays. Je pense avoir l’expérience nécessaire à la mise en œuvre d’idées nouvelles, d’autant plus qu’on est à la fin d’un cycle débuté en 1990. il y’a une nouvelle dynamique politique qui commence en 2025, une nouvelle génération d’acteurs politiques qui arrive dont je pense faire partie (…).
(…) Pour quelle offre politique ?
Le temps est venu la politique soit faite au bénéfice exclusif des ivoiriens. Et qu’on leur épargne des élections mortifères. Il est temps pour les acteurs politiques d’être des exemples et non user de la politique comme un outil de réalisation personnelle. Nous proposons un nouveau type d’ivoiriens qui aime son pays bâti sur une « société de confiance afin de révéler le génie qui dort en chaque ivoirien »
Sachant qu’ un individu ne peut gagner une élection présidentielle sans qu’il ne soit adossé à un grand partipolitique (?) Quelles chances pour Assalé Tiémoko candidat putatif de ADCI ?
Nous pensons que le monde politique est dynamique, les électeurs se renouvellent. Le peuple se renouvelle. Je prends l’exemple de la presse papier qui, il y ‘a une vingtaine d’année était la panacée. Aujourd’hui, il y a plutôt, un attrait pour les nouveaux médias. Il faut constamment faire une prospective pour s’adapter. Viendra un temps où appartenir à un parti politique sur la base tribale, le clan, ou aux chefs historiques va s’ estomper ; Il faut donc avoir la capacité d’anticiper tous ces renouvellements.
Quelle est votre opinion sur ce qu’il convient d’appeler le cas Tidjane Thiam ?
Sur la question Thiam, il convient de le voir sur trois aspects : l’aspect fonctionnement interne du PDCI, l’aspect du procès à lui intenté au niveau de la justice, et l’aspect sur sa nationalité. Permettez que je m’attarde sur l’aspect de sa nationalité. C’est moi, en tant journaliste, qui ai fait une enquête au moment du vote de la loi sur l’apatridie en 2017. C’est moi, le premier à rendre public l’article 48. Cet article qui existe depuis 1961 retirait de fait la nationalité à beaucoup d’ivoiriens de la diaspora sans qu’ils ne sachent. Quand M. Thiam arrive en côte d’ivoire, et qu’il manifeste le désir d’être candidat, on lui oppose cet article de loi. En 1987, il s’était naturalisé français. Donc, de fait, il perdait la nationalité ivoirienne au regard de l’article 48. Aujourd’hui, il a renoncé à cette allégeance à la nationalité française, il a donc réintégré la nationalité ivoirienne. Au niveau de la justice, on l’accuse de s’être inscrit sur la liste électorale en n’étant plus ivoirien. (…) La décision qui a été rendue est trop soumise à interprétation. Prenons mon cas, en 2023, à Tiassalé , où j’avais demandé la radiation de trois individus que je soupçonnais de s’être inscrit frauduleusement sur la liste électorale. J’ai contesté leur nationalité devant le juge du contentieux électoral. Le juge m’a répondu qu’il n’était pas compétent. Qu’en matière de nationalité, seul le procureur peut engager des poursuites. J’ai été par conséquent débouté. Sur ses conseils, j’ai saisi le procureur pour la même question ; l’affaire est en cours. Je m’étonne que pour une affaire similaire à Abidjan, le juge se montre compétent dans le cas de M. Thiam et le radie de la liste électorale. La radiation de M. Thiam de la liste électorale est contraire à l’esprit de la loi. Le fait même que le ministre de la Justice produise un communiqué pour préciser ce qu’il avait déjà précisé ( rires…) , la montée au créneau du directeur des affaires juridiques prouvent qu’il y’a un malaise.

Où en êtes-vous dans votre combat contre la fraude liée à l’identité ivoirienne ?
Nous sommes totalement décomplexés vis-à-vis de la question de la fraude sur la nationalité. J’ai tiré la sonnette d’alarme sur la question de la fraude en 2017, il y avait beaucoup de peur car on sortait de la guerre. Aujourd’hui, l’Etat à travers l’oneci essaye d’apporter des solutions face à ce phénomène. Le ministre de l’intérieur a même reconnu qu’il y a une fraude massive sur la nationalité visible avec la vague des migrants bravant la mer pour aller en Europe. Au dernier recensement nous dénombrons 29 millions d’habitants dont 7 millions d’étrangers. A l’ADCI, nous pensons qu’il faut regarder à froid la question de l’immigration, de la nationalité. Les gens ont usé de carte d’identité ivoirienne pour se fabriquer d’autres ivoiriens. Qui rentre sur le territoire ? Avec quelles compétences ? Quel est le niveau de démographie, en vue ‘une meilleure planification en termes d’éducation, santé et logement ? Comment juguler l’immigration ? Toutes ces questions doivent faire l’objet d’un examen approfondi. En rendant plus sûr notre état civil.
Interview réalisée par Elysée Blandine Gogoua