Serey-Eiffel désavoué publiquement après sa lettre à Ouattara
À peine a-t-il adressé une lettre ouverte à Alassane Ouattara que l’ancien conseiller à la Primature et à la Présidence, Philippe Serey-Eiffel, essuye une vive réplique publique de la part d’un ministre en exercice. C’est Khalil Ibrahim Konaté, ministre de la Transition Numérique et de la Digitalisation, qui s’est chargé de recadrer sèchement l’ancien collaborateur du défunt Premier ministre Amadou Gon Coulibaly et du Chef de l’État.
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Le motif de la discorde ? Serey-Eiffel a pris position en faveur de Tidjane Thiam, candidat recalé à l’élection présidentielle de 2025, dénonçant ce qu’il considère comme une « faute morale » du président Ouattara, accusé d’avoir manœuvré pour écarter l’ex-patron du Crédit Suisse de la course.
Dans une publication Facebook au ton cinglant et chargé d’ironie, le ministre Konaté, surnommé IKK, fustige la sortie médiatique de celui qu’il décrit comme un « ex-conseiller aux méthodes arrogantes », incapable de se faire réintégrer dans l’appareil présidentiel malgré plusieurs tentatives.
« Il a tourné pendant un moment en Côte d’Ivoire pour tenter de revendre son « talent » mais n’ayant pas pu convaincre », écrit IKK dans un post où transparaît une volonté de solder des comptes personnels autant que politiques.
Il poursuit : « Il a été viré ! Il a tout tenté pour reconquérir un poste ! Le NON a été à la hauteur de la déception ! »
Si cette réaction donne un aperçu des tensions internes au sein des cercles du pouvoir, elle souligne aussi la ligne rouge qu’il ne faut pas franchir au sein du RHDP : contester ouvertement les choix stratégiques du président Ouattara, surtout à l’approche de l’échéance cruciale de 2025.
Le ministre ne s’est pas contenté de répondre sur le fond ; il a aussi tenu à rappeler publiquement le passé professionnel houleux de Serey-Eiffel, évoquant les « calvaires » de ceux qui ont travaillé avec lui entre 2011 et 2019. En somme, un désaveu frontal, personnel, et politique.
Un épisode révélateur du climat politique actuel
La charge d’IKK n’est pas un simple règlement de compte. Elle s’inscrit dans un contexte plus large de polarisation politique intense au sein de la majorité présidentielle, à mesure que se précise la candidature controversée d’Alassane Ouattara à un nouveau mandat.
Le soutien affiché à Thiam, perçu comme une figure moderne et technocrate, mais tenue à distance du cercle présidentiel, cristallise des lignes de fracture internes entre les anciens technocrates du régime et les nouveaux fidèles rassemblés autour du « clan présidentiel ».
En ciblant Philippe Serey-Eiffel, IKK parle au nom d’une nouvelle génération de ministres politiques, décidée à défendre pied à pied le leadership du président sortant, tout en affirmant leur propre légitimité au sein du système.
Sylvain Debailly