L’Afrique en 2025 : quelles perspectives de croissance économique ?

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L’Afrique subsaharienne devrait connaître un accroissement de la croissance de son produit intérieur brut réel en 2025, avec des prévisions qui convergent autour de 4,2 % (FMI, Banque mondiale, AFD et Moody’s).
L’Afrique subsaharienne devrait connaître un accroissement de la croissance de son produit intérieur brut réel en 2025, avec des prévisions qui convergent autour de 4,2 % (FMI, Banque mondiale, AFD et Moody’s).

Le mois de janvier est traditionnellement celui de la publication des prévisions de croissance économique par les banques et les grands opérateurs du développement tels que le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, le Département des Affaires économiques des Nations unies ou encore l’Agence française de développement (AFD). Cette année les estimations placent le continent africain à 4,2 %, au deuxième rang derrière l’Asie à 5,1 %. Cette dynamique encourageante s’appuierait notamment sur un ralentissement de l’inflation et une amélioration des conditions financières internationales. Alors que les projections tablent sur une croissance économique mondiale modérée, quelles zones d’Afrique auront la croissance la plus élevée ? Sur quels leviers cette croissance s’appuie-t-elle pour 2025 ? Quels sont les risques majeurs auxquels seront confrontées les économies africaines en 2025 ? Le point avec Émilie Laffiteau, macroéconomiste, chercheuse associée à l’IRIS.

Quelles sont les projections de croissance économique de l’Afrique subsaharienne pour l’année 2025 ?

L’Afrique subsaharienne devrait connaître un accroissement de la croissance de son produit intérieur brut réel en 2025, avec des prévisions qui convergent autour de 4,2 % (FMI, Banque mondiale, AFD et Moody’s). Ces projections sont plus hautes que la croissance observée au cours des dernières années  (3,6 % en 2023 et 3,8 % en 2024). Elles marquent également une bonne performance du continent africain comparé à la croissance mondiale projetée à 3,3 %.

La conjoncture du continent reste majoritairement influencée par les deux géants de la région que sont l’Afrique du Sud et le Nigéria. En 2025, même si ces économies devraient connaître une hausse de leur taux de croissance, leurs projections restent en-deçà de la moyenne régionale (respectivement 1,5 % et 3,2 %). En Afrique du Sud, les conséquences de la crise énergétique risquent de continuer à peser et le Nigéria – dont l’économie demeure insuffisamment diversifiée – devrait pâtir d’une baisse attendue des prix du pétrole.

Des trajectoires diverses au sein du continent sont par ailleurs anticipées : les taux augmenteraient pour atteindre 6 à 7 % dans des pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest alors que dans le golfe de Guinée et en Afrique australe les taux de croissance baisseraient. Ces trajectoires divergentes sont notamment liées à la structure de ces économies avec une segmentation désormais consacrée, entre celles riches en ressources naturelles et les économies plus diversifiées. Les premières sont davantage impactées par la volatilité des cours des matières premières alors que les secondes observent une croissance plus solide. À titre d’exemple, le Bénin, la Côte d’Ivoire et l’Éthiopie observent des taux estimés ou projetés à plus de 6 % de 2023 à 2025. Il n’en reste pas moins que pour les pays riches en ressources, l’augmentation de la demande mondiale de minéraux critiques représente une occasion avérée de stimuler la croissance.

Les chiffres encourageants de la croissance pour 2025 restent cependant en deçà des niveaux pré-Covid : rapportée par habitant, la variation du PIB réel chute à 1,7 %. Ces performances sont insuffisantes pour permettre l’atteinte des objectifs de développement durable ou une convergence avec les revenus du reste du monde.

Quels sont les principaux leviers de la croissance africaine pour 2025 ?

La bonne dynamique de l’activité en Afrique serait engendrée par la baisse de l’inflation et l’amélioration des conditions financières mondiales, encourageant un retour des investissements étrangers au sein du continent, notamment dans les infrastructures et l’énergie. Dans un contexte de relative stabilité des prix, la réduction des taux directeurs devrait stimuler la consommation privée et l’investissement dans de nombreux pays, même si certains pâtissent toujours d’une inflation élevée due aux dépréciations récentes de leurs monnaies (en particulier en Angola, Égypte, Éthiopie, Ghana, Kenya, Nigéria, Zimbabwe). En parallèle, l’assouplissement des conditions financières mondiales devrait contribuer à réduire les coûts d’emprunt, même si là encore l’accès aux capitaux reste inégal.

Ces tendances sont corrélées à une croissance mondiale stabilisée autour de 3,3 % depuis 2023, et ce malgré les ralentissements économiques de certains partenaires, notamment la Chine. Un scénario plus optimiste pourrait être envisagé si la croissance chinoise s’accélère grâce au soutien de la demande. Par ailleurs, même si des déséquilibres macroéconomiques perdurent, la moitié des pays du continent devraient voir leurs finances publiques ou leur position extérieure s’améliorer. En revanche, si elles se confirment, les prévisions de baisse des cours mondiaux du pétrole engendreront une diminution des revenus des pays à forte extraversion pétrolière.

Selon de nombreux experts, la mise en œuvre progressive de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) pourrait offrir de nouvelles opportunités de croissance économique grâce à une intégration régionale renforcée et un essor du commerce intra-africain. D’autres y voient une énième stratégie des nombreux accords d’intégration au sein du continent et un potentiel « cheval de Troie » pour les multinationales et les entreprises du reste du monde. À l’heure actuelle, son impact reste encore difficile à quantifier, notamment en termes de contribution à la croissance de la région.

À un niveau plus structurel, le continent bénéficie également d’une tendance à l’urbanisation rapide et d’une population jeune en croissance, garantissant une demande intérieure relativement robuste.

Quels sont les risques majeurs auxquels seront confrontées les économies africaines en 2025 ?

En 2025, les économies africaines devront faire face à plusieurs risques majeurs, provenant à la fois de l’environnement externe et de vulnérabilités internes. Ces risques peuvent ralentir la croissance et accentuer les déséquilibres économiques si des réponses appropriées ne sont pas mises en place.

La croissance mondiale pourrait être plus faible que prévu suite à des mesures protectionnistes en matière commerciale. À cet égard, les dernières annonces de l’administration américaine de hausse des tarifs douaniers font craindre un net recul des échanges internationaux. Les pays africains pourraient également être sensiblement impactés par la baisse de l’aide au développement américaine, et éventuellement celle d’autres bailleurs. Un autre point d’incertitude réside dans la croissance chinoise dont les statistiques sont toujours sujettes à caution. Un ralentissement économique de la Chine plus important que prévu ne peut être exclu, avec des conséquences négatives pour les économies en développement.

L’endettement public constitue un autre risque important. Ces dernières décennies, les États africains se sont davantage tournées vers la Chine et les créanciers privés sur des échéances de plus court terme, au détriment des prêts concessionnels de long terme. Conjugué à des conditions financières défavorables ces dernières années (hausse des taux d’intérêt mondiaux, dépréciation de nombreuses devises africaines), ce phénomène a lourdement pesé sur les coûts de la dette extérieure africaine (en juin 2024, 21 États étaient surendettés ou avec un risque élevé de surendettement selon le FMI). En 2025, de considérables flux de remboursement de dette publique arriveront à échéance faisant peser un risque sur les perspectives de croissance de l’Afrique.

La montée des tensions géopolitiques au niveau mondial ainsi qu’une aggravation des conflits dans certaines régions du Sahel, de l’Afrique de l’Est et du bassin du lac Tchad pourrait également perturber plus massivement les chaînes d’approvisionnement et freiner certains investissements vers le continent. Enfin, l’Afrique subsaharienne reste très vulnérable aux phénomènes météorologiques extrêmes, liés au changement climatique. La survenue de ces événements défavorables, à la fois plus fréquents et plus violents, est susceptible d’aggraver fortement la production agricole qui reste le principal secteur générateur de revenus et d’emplois sur le continent.

Émilie Laffiteau

Chercheuse associée à l’IRIS

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