Après la marche du 11 octobre violemment dispersée, le Front commun PPA-CI–PDCI promet de poursuivre la mobilisation “tous les jours” pour exiger démocratie, justice et dialogue politique.
Au lendemain de la marche interdite du 11 octobre 2025, dispersée par les forces de l’ordre à Abidjan, le Front commun PPA-CI–PDCI a annoncé, dans un communiqué publié samedi soir, la poursuite de ses mobilisations “tous les jours” sur l’ensemble du territoire national. Les deux formations d’opposition disent vouloir “marcher pour la démocratie, la justice et la paix”, en réaction à ce qu’elles qualifient de “répression injustifiée”.
Une mobilisation entravée et dispersée
La manifestation du 11 octobre, interdite par le préfet d’Abidjan, devait réunir les militants du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) et du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA). Malgré la mesure préfectorale, des groupes de manifestants ont tenté de se rassembler dans plusieurs quartiers de la capitale économique, notamment à Cocody, Yopougon et Treichville.
Les forces de l’ordre sont rapidement intervenues pour disperser les attroupements. Le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, le général Diomandé Vagondo, a indiqué dans un point de situation rendu public samedi en fin de matinée que 237 personnes avaient été interpellées, parmi lesquelles “des femmes et des jeunes”.
Selon le Front commun, cette marche, qui se voulait “citoyenne et pacifique”, s’inscrivait dans la continuité de celle organisée le 9 août dernier, également interdite. Le communiqué conjoint du PPA-CI et du PDCI-RDA regrette que “cette mobilisation pacifique ait été violemment réprimée par le régime, alors qu’elle s’inscrivait dans le strict cadre des libertés garanties par la Constitution”.
“Marcher tous les jours, en orange”
Dans le texte signé par Me Habiba Touré, porte-parole du Front commun, les deux partis expriment leur “solidarité indéfectible” envers les personnes arrêtées et les blessés, saluant “le courage des Ivoiriens qui ont bravé la peur pour exprimer leur amour de la République”.
Le communiqué annonce une nouvelle phase de mobilisation quotidienne, jusqu’à l’ouverture d’un “dialogue politique” avec le pouvoir.
“C’est pourquoi le Front commun PPA-CI–PDCI-RDA annonce que les manifestations pour la démocratie, la justice et la paix se poursuivront, tous les jours, et sur toute l’étendue du territoire”, indique le texte.
Le mouvement appelle par ailleurs ses sympathisants à porter des vêtements de couleur orange, symbole choisi comme signe de ralliement et “bouclier pacifique face à la répression”.
“Dans un esprit de résistance pacifique, il est demandé à chaque manifestant de porter des vêtements de couleur orange, de préférence. Ces symboles seront les seuls boucliers permettant d’échapper à la répression aveugle dont sont victimes les citoyens en désaccord avec le régime”, précise le communiqué.
Un message de fermeté mais de non-violence
Le Front commun dit ne pas vouloir céder à “l’intimidation” ni aux “provocations du régime”.
“La Côte d’Ivoire est plus importante que tout. Continuons de marcher, tous les jours, sans violence, sans injure et sans peur”, poursuit le document, qui réaffirme l’attachement du mouvement à la non-violence et au calme.
Les partis d’opposition estiment que les interdictions répétées de manifester démontrent, selon eux, l’existence de “deux catégories de citoyens” dans le pays : “Ceux qui peuvent librement jouir de leurs droits constitutionnels et ceux qui, pour avoir les mêmes aspirations, sont réprimés sans justification.”, dénoncent-ils.
Crise aiguë
La Côte d’Ivoire est plongée dans une crise politique aiguë à deux semaines de la présidentielle d’octobre 2025. L’enjeu central de la crise est l’exclusion de figures majeures de l’opposition du scrutin : Laurent Gbagbo (PPA-CI) a été radié des listes électorales après sa condamnation dans l’affaire du braquage de la BCEAO en 2018, tandis que Tidjane Thiam (ex-PDCI) a été déclaré inéligible en raison de sa double nationalité, au moment de l’inscription. D’autres candidatures, comme celles de Pascal Affi N’Guessan, ont été invalidées pour non-respect des critères de parrainage.
Le Conseil constitutionnel a cependant retenu la candidature à un quatrième mandat du président sortant, Alassane Ouattara, contestée par ses adversaires et une partie de l’opinion, qui la considèrent comme contraire à l’esprit de la Constitution, malgré une révision en 2016 qui aurait selon le pouvoir “remis à zéro” les compteurs des mandats.
Du côté du gouvernement, aucune réaction officielle n’a encore été enregistrée après la publication du communiqué du Front commun. Toutefois, dans ses déclarations précédentes, le ministre de l’Intérieur avait souligné que toute manifestation non autorisée constitue une infraction, et que la sécurité publique “prime sur toute autre considération politique”.
Samuel KADIO