Frappes israéliennes contre l’Iran : quelles conséquences économiques pour l’Afrique ?

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Les frappes israéliennes de ce 13 juin 2025 contre les installations nucléaires et militaires iraniennes ont déclenché une onde de choc économique qui frappe déjà le continent africain. Flambée des prix du pétrole de près de 10%, chute des devises, tensions sur les marchés obligataires : l’Afrique subit de plein fouet les contrecoups d’une escalade militaire au Moyen-Orient qui menace de s’inscrire dans la durée.

Les marchés pétroliers ont réagi instantanément aux frappes israéliennes. Le Brent a bondi de 5,9% pour atteindre près de 71 dollars le baril, tandis que le pétrole américain WTI a grimpé de 8,6% à près de 74 dollars, enregistrant l’une des plus fortes hausses quotidiennes de ces dernières années. Le pétrole brut a atteint 73,60 dollars le baril len hausse de 8,17% par rapport à la veille.

Pour les pays africains importateurs nets d’énergie – Sénégal, Maroc, Tanzanie – cette envolée représente un choc budgétaire immédiat. Des pays comme le Kenya, la Côte d’Ivoire, les Seychelles et l’Éthiopie consacrent plus de 20% de leur facture d’importation à l’achat de pétrole. La hausse brutale des cours menace d’aggraver leurs déficits commerciaux et d’alimenter une inflation importée déjà problématique. Pour des pays qui sont déjà souvent dans une situation économique difficile, ce nouvel a-coup risque d’avoir d’importantes conséquences économiques et sociales.

À l’inverse, les producteurs africains pourraient théoriquement bénéficier de cette flambée. Le Nigeria premier producteur de pétrole en Afrique, suivi de l’Angola, de l’Algérie, de l’Égypte et de la Libye. Cependant, l’expérience montre que ces pays restent vulnérables aux chocs externes, leur dépendance excessive aux revenus pétroliers les exposant à une volatilité économique chronique.

Monnaies sous pression et marchés financiers chahutés

La volatilité s’est immédiatement propagée aux marchés financiers africains. En Afrique du Sud, le rand, sensible au risque, s’échangeait à 18,04 contre le dollar à 06h57 GMT, soit 1,6% de moins que la clôture de jeudi. Les rendements de référence 2035 ont bondi de 16 points de base, témoignant de la nervosité croissante des investisseurs.

L’escalade des hostilités au Moyen-Orient – une région majeure de production pétrolière – ajoute une nouvelle couche d’incertitude pour les marchés financiers. Les analystes redoutent un effet domino sur d’autres devises africaines fragiles. Au Ghana, en Égypte et dans d’autres économies à monnaie vulnérable, les banques centrales pourraient être contraintes d’intervenir pour stabiliser leurs devises, au risque d’épuiser leurs réserves de change.

Diplomatie africaine : la prudence face à l’escalade

Face à cette crise, les capitales africaines maintiennent un silence diplomatique prudent. Aucune condamnation ni prise de position officielle n’a émergé des principales chancelleries du continent. Seule l’Algérie a dénoncé l’aggression flagrante d’Israël, précisant que « « Cette agression viole l’ensemble du droit international, notamment les principes de la Charte des Nations Unies, confirme la politique d’agression systématique de l’occupation coloniale israélienne ».Cette retenue de la plupart des pays s’explique par la volonté de préserver une neutralité diplomatique traditionnelle, la priorité donnée à la gestion des conséquences économiques internes, et la complexité des relations avec les protagonistes du conflit.

L’Union africaine et les institutions régionales comme la Banque africaine de développement (BAD) restent en position d’observation. Leurs appels implicites à la désescalade reflètent avant tout une préoccupation : éviter qu’une guerre prolongée au Moyen-Orient ne déstabilise davantage des économies africaines déjà fragilisées.

Les pays du Maghreb, traditionnellement plus impliqués dans les questions moyen-orientales, privilégient pour l’instant la stabilité régionale à toute prise de position à chaud, à  l’exeption notable de l’Algérie.

Les vulnérabilités structurelles de l’Afrique exposées

Cette nouvelle crise met en lumière les fragilités structurelles persistantes des économies africaines. La très grande majorité des pays africains dépendent presque entièrement des exportations de matières premières. Cette dépendance excessive expose le continent à une volatilité économique récurrente.

Les fonds souverains en Afrique subsaharienne ne détiennent que 1,8% du PIB en actifs – contre 72% au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, privant ces pays de mécanismes d’amortissement face aux chocs externes. Le FMI recommande des réserves de 5 à 10% du PIB pour gérer efficacement la volatilité des prix.

Enfin, l’inflation importée constitue une menace immédiate. Au-delà du pétrole, la hausse des coûts de transport affectera les prix des denrées alimentaires, des engrais et des biens manufacturés. Les populations urbaines, déjà confrontées à une érosion de leur pouvoir d’achat post-Covid, seront alors les premières touchées.

Les signaux des marchés financiers sont déjà alarmants, et ils pourraient s’aggraver considérablement si le conflit venait à s’enliser.

Hélène Bailly

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