La mise en œuvre du roaming gratuit en Afrique de l’Ouest est encadrée par une directive de la Communauté économique des Etats de l’Afrique l’Ouest (CEDEAO) adoptée en 2017. Le Ghana et la Côte d’Ivoire ont été les premiers à s’y conformer, en juin 2023.
Le Togo et le Burkina Faso ont récemment signé un protocole d’accord pour supprimer à partir du 30 mai prochain les frais supplémentaires appliqués à leurs ressortissants respectifs pour la réception d’appel sur le territoire de l’autre. Avant eux, en Afrique de l’Ouest, plusieurs pays ont conclu ou travaillent à conclure ce type d’accord alors que la CEDEAO pousse depuis plusieurs années pour la mise en œuvre du free roaming, présenté comme un levier d’intégration économique et numérique.

« La mise en œuvre de ce protocole se traduira par une baisse importante des tarifs des services voix, sms et internet pour les voyageurs togolais en visite au Burkina Faso et vice versa. Ainsi, pour un Togolais en situation de free roaming au Burkina Faso : la réception d’appel devient dorénavant gratuite durant les trente (30) premiers jours consécutifs de son séjour ; l’émission d’appel vers un réseau du Burkina Faso sera facturée à un tarif ne dépassant pas celui appliqué par le réseau visité pour les appels nationaux », a déclaré l’ARCEP Togo.
Plusieurs accords conclus en quelques mois
Outre le Togo et le Burkina Faso, plusieurs pays ouest-africains s’activent pour mettre en œuvre l’itinérance communautaire. Le 14 juin 2023, le Ghana et la Côte d’Ivoire ont été les premiers à la concrétiser. « Cette initiative entre les deux pays se traduit également par des baisses notables sur les prix des communications voix, sms et Internet allant jusqu’à 90% au profit des abonnés ivoiriens, en déplacement au Ghana », avait alors déclaré l’Autorité de régulation des télécommunications de Côte d’Ivoire (ARTCI).
L’itinérance gratuite est devenue effective entre le Ghana et le Bénin d’une part, et entre le Ghana et le Togo d’autre part, à partir d’octobre 2024. « En permettant une communication abordable et fluide au-delà de nos frontières, nous améliorons non seulement la commodité des voyages et des affaires, mais nous renforçons également le tissu social et économique de nos nations », avait déclaré Charles Acheampong, alors vice-ministre de la Communication, lors de la cérémonie de lancement.
Le 18 octobre 2023, le Bénin et le Togo, de leur côté, étaient convenus d’une mise en œuvre à compter du 1er janvier 2024. Ainsi, pour un Togolais en situation de roaming, une minute d’appel vers le Togo revient à 90 FCFA, alors qu’elle coûtait jusqu’à 1393 FCFA. Pour l’Internet mobile, le mégaoctet passe à 2,2 FCFA alors qu’il pouvait aller jusqu’à 8000 FCFA.
Pour un Béninois en terre togolaise, le coût maximum d’une minute d’appel vers un réseau local passe de 79 FCFA à un maximum de 60 FCFA, tandis que celui des appels vers le Bénin passera de 200 F CFA à 90 FCFA. Le Mo d’Internet mobile passe de 5 FCFA à 2,2 FCFA. En plus, le prix des SMS internationaux passe de 90 F CFA à 70 F CFA maximum. La minute d’appel international est également plafonnée à 90 FCFA alors qu’elle pouvait atteindre 225 FCFA.
Entre le Ghana et la Gambie, un protocole d’accord signé le 19 novembre 2024 prévoit la mise en œuvre pour la première moitié de 2025. « Nous jetons les bases d’un renforcement des liens économiques, des échanges culturels et de la compréhension mutuelle. Le rôle du Ghana dans cette initiative contribuera à la croissance d’une Afrique plus interconnectée et plus prospère », avait déclaré Njogou Bah, directeur général de l’Autorité gambienne de régulation des services publics (PURA). En janvier 2025, le Liberia a signé des accords avec la Sierra Leone et la Gambie pour un lancement respectif du free roaming à partir du 2 mai et du 1er juillet.
Par ailleurs, les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), anciennement membres de la CEDEAO, ont signé en novembre 2024 une convention prévoyant la mise en œuvre du free roaming au plus tard le 31 décembre de la même année. « L’adoption de ce protocole offrira à nos concitoyens la possibilité de communiquer [appel, SMS et Internet, Ndlr] sans le poids du surcoût d’itinérance qui freine la mobilité et les liens entre les peuples », avait déclaré Wenlassida Patrice Compaoré, secrétaire exécutif de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) du Burkina Faso au cours de la cérémonie. Jusque-là, aucune mise à jour n’a été donnée sur l’entrée en vigueur effective de cette convention.
En dehors du Burkina Faso, le Mali avait déjà engagé des démarches en décembre 2023 en se rapprochant du Bénin et du Togo, avec une échéance fixée au 29 février 2024. Le Togo explore également plusieurs axes de coopération avec le Niger, incluant le free roaming. De leur côté, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso avaient signé en octobre 2023 un protocole d’accord pour une mise en œuvre effective au plus tard le 15 décembre 2023.
Pour que les frontières ne soient plus des obstacles aux communications
Ces différents accords traduisent la vision d’une « Afrique de l’Ouest où les frontières ne constituent pas un obstacle aux communications, aux affaires ou aux interactions sociales », selon l’Autorité nationale des communications du Ghana (NCA). Toutefois, la plupart des avancées jusque-là reposent sur des accords bilatéraux ou tripartites, et non sur une approche pleinement régionale. Cette mise en œuvre fragmentée se heurte à plusieurs obstacles, notamment l’absence de liaisons directes entre opérateurs, le niveau élevé des tarifs de terminaison d’appel et la persistance de la fraude.
Pourtant, en 2017, la CEDEAO avait adopté un règlement communautaire visant à instaurer un espace de roaming libre ou à faible coût au sein de la région, afin de faciliter les communications transfrontalières et soutenir la libre circulation des personnes et des biens. L’ambition est de construire un marché unique intégré de télécommunications, harmonisé entre tous les États membres. L’organisation estime que la cherté des communications depuis l’international constitue un frein aux échanges et au développement d’un marché harmonieux.
Si ces accords bilatéraux et tripartites constituent des étapes importantes, leur concrétisation effective et leur multiplication à l’échelle sous-régionale pourraient permettre à l’Afrique de l’Ouest de se rapprocher de cet objectif. À terme, cela contribuerait à rendre les communications plus accessibles, à dynamiser les échanges commerciaux et sociaux et à renforcer l’intégration économique de la région.
Isaac K. Kassouwi